Journalistes tués en Syrie : Bachar al-Assad visé par un mandat d’arrêt français, 13 ans après le bombardement du centre de presse

Par Lorène Bienvenu avec AFP


La justice française a délivré un mandat d’arrêt contre l’ancien président syrien, Bachar al-Assad, et six ex-dignitaires, treize ans après le bombardement du centre de presse à Homs, où avaient péri deux journalistes. La guerre civile en Syrie est le conflit le plus meurtrier pour la profession de journaliste, à ce jour.

La justice française a délivré un mandat d’arrêt contre l’ancien président syrien, Bachar al-Assad, et six ex-dignitaires, treize ans après le bombardement du centre de presse à Homs, où avaient péri deux journalistes. La guerre civile en Syrie est le conflit le plus meurtrier pour la profession de journaliste, à ce jour.
L’ex-président syrien, Bachar al-Assad, est visé par un mandat d’arrêt, délivré par la justice française en août, pour le bombardement d'un centre de presse à Homs dans lesquels deux journalistes ont péri, en 2012 alors que la Syrie est en pleine guerre civile. Six autres mandats d’arrêt ciblent d’anciens hauts dignitaires du régime syrien, ont indiqué des avocats des parties civiles, mardi 2 septembre.
Le Parquet antiterroriste français (Pnat) avait déjà demandé la localisation d'une vingtaine "d'agents du régime" syrien, dont l'ancien président Bachar el-Assad, mardi 15 juillet. Le Pnat disait suspecter "l'existence d'un plan commun" pour bombarder le centre de presse de Bab Amr, attaque qui a été précédée d'une réunion, la veille, avec "l'ensemble des responsables des forces militaires et sécuritaires de Homs".
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Le 22 février 2012, un appartement transformé en centre de presse par les militants à Baba Amr, bastion de la rébellion dans la ville de Homs, est visé par des bombardements de l’armée syrienne. Le photoreporter Rémi Ochlik et la journaliste américaine Marie Colvin périssent sous les bombes.
La déflagration est terrible. Marie Colvin et Rémi Ochlik se trouvent pratiquement sur le point d'impact. Ils sont tués sur le coup.
Edith Bouvier et William Daniels, reporters
Présent au même moment dans le bâtiment, la journaliste française Edith Bouvier, le photographe britannique Paul Conroy et leur traducteur syrien Wael al-Omar sont projetés par le souffle de l'explosion, mais s’en sortent gravement blessés.
"Les activistes syriens qui étaient avec nous, habitués à ces bombardements, ont compris tout de suite le danger. Ils nous ont dit : 'il faut s'en aller tout de suite'", racontent Edith Bouvier et William Daniels, journaliste français également témoin du bombardement, à leur retour, dans un long récit publié dans Le Figaro.

Marie Colvin et Rémi Ochlik sont les premiers à sortir du centre de presse quand un projectile s’abat au pied du bâtiment. "La déflagration est terrible. Marie Colvin et Rémi Ochlik se trouvent pratiquement sur le point d'impact. Ils sont tués sur le coup", rapportent-ils.
Entre 300 et 700 journalistes tués
La guerre civile en Syrie est déclenchée par l’insurrection anti-gouvernementale, en mars 2011, qui débute dans le contexte du Printemps arabe. Des manifestations majoritairement pacifistes fleurissent partout dans le pays, en faveur de la démocratie et en rupture avec le gouvernement baasiste. Le mouvement est brutalement réprimé et se transforme en une rébellion armée.
La guerre civile prend fin le 8 décembre 2024, avec la prise des principales villes par l’opposition et la chute du régime. Bachar al-Assad abandonne alors Damas et s’envole pour la Russie.
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Le conflit syrien est le plus meurtrier pour la profession de journaliste, à ce jour. Entre 300 et 700 d’entre eux ont été tués dans des bombardements ou exécutés, d’après Reporter Sans Frontières (RSF). À ce chiffre très élevé, s’ajoute celui des journalistes arrêtés ou enlevés, qui sont toujours portés disparus aujourd’hui.

"Leurs familles et leurs proches ne sont pas en mesure de déterminer leur sort avec certitude, précise RSF. Les journalistes étrangers ne font pas exception, comme l'Américain Austin Tice, disparu depuis août 2012. Faute de nouvelles, certains journalistes sont présumés morts sous la torture ou exécutés."
"Complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité"
Treize ans après le bombardement du centre de presse à Homs et après treize ans d’enquête, "les juges d'instruction du Pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris ont délivré des mandats d'arrêt à l'encontre de sept anciens hauts gradés syriens pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", ont expliqué des avocats dans un communiqué transmis par la Fédération internationale des droits humains (FIDH).
Il a fallu plus d'une décennie pour en arriver là mais enfin, ces mandats d'arrêt tant attendus sont désormais délivrés. C'est le premier pas vers la fin d’une ignoble impunité!
Marie Dosé, avocate de la reporter Edith Bouvier
Outre l’ex-président Bachar al-Assad, les mandats visent notamment Maher al-Assad, frère du président déchu et chef de facto de la 4e division blindée syrienne au moment des faits ; Ali Mamlouk, alors directeur des renseignements généraux syriens ; Ali Ayoub, chef d'état-major de l'armée syrienne au moments des faits, et Rafik Shahada, alors chef du comité militaire et sécuritaire de Homs.
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"L'émission de ces sept mandats d'arrêt constitue une étape décisive qui ouvre la voie à un procès en France", a souligné Clémence Bectarte, avocate des parents de Rémi Ochlik, de la FIDH et du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression (SCM), rappelant qu'il s'agit du "plus vieux dossier syrien instruit à Paris".
"Il a fallu plus d'une décennie pour en arriver là mais enfin, ces mandats d'arrêt tant attendus sont désormais délivrés. C'est le premier pas vers la fin d’une ignoble impunité!", a affirmé de son côté à l'AFP Marie Dosé, avocate de la reporter Edith Bouvier.
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