Le calvaire d'un jeune dealer torturé à Marseille puni par de la perpétuité

Par AFP Par Fanny CARRIER © 2025 AFP

Un adolescent paumé attiré par le mirage de l'argent facile à Marseille puis brisé par une nuit de tortures: cette affaire emblématique des violences liées à la drogue s'est soldée mardi par la peine maximale, la perpétuité.
El Kabir M'Saidie Ali, âgé de seulement 20 ans au moment des faits et qui niait son implication, est resté impassible au moment où la cour d'assises d'appel des Alpes-Maritimes a prononcé sa peine, assortie d'une période de sûreté de 22 ans.
En première instance il y a deux ans devant les assises des Bouches-du-Rhône, il avait été condamné à 25 ans de réclusion pour séquestration accompagnée d'actes de torture et de barbarie.
"J'ai rien à voir de près ou de loin avec cette histoire", a-t-il répété pendant la semaine de procès en appel.
Il a maintenu qu'il était dans la région lyonnaise au moment des faits sans pour autant apporter d'éléments ou témoignages probants en attestant, alors qu'il a été identifié par deux témoins déposant sous X et par la victime lors d'une reconnaissance vocale.
La victime, elle, a un parcours cabossé typique des jeunes qu'on retrouve sur les points de deal marseillais. Issu d'une famille réfugiée de République démocratique du Congo (RDC), placé dès l'âge de deux ans, l'adolescent avait fugué à 16 ans de son foyer de Chartres (Eure-et-Loir) pour rejoindre Marseille, dans l'idée de se "faire de l'argent facilement".
Son avocat, Me Xavier Torré, le décrit comme un jeune sans autres repères que les clips de rap. "Un profil que l'on retrouve aussi dans l'autre camp", dont il aurait aussi pu faire partie dans des circonstances différentes.
C'est l'été 2019, il arrive dans la deuxième ville de France, se fait engager dans un quartier. Il est interpellé, placé dans un foyer, d'où il fugue. En sortant, il va récupérer la drogue qui n'avait pas été saisie et tente de la revendre pour son compte dans la cité Félix-Pyat, située au début des quartiers Nord. "Une idée suicidaire", selon un enquêteur.
"Mort-vivant"
Vite repéré, il est battu, entraîné dans un ancien local associatif où de nombreux jeunes se succèdent pour frapper ou regarder. Le soir tombant, il est ligoté à une chaise, les vêtements arrachés, les yeux bandés, un bâillon dans la bouche... et longuement torturé.
Une quarantaine de brûlures de cigarettes, des brûlures au chalumeau au niveau des parties génitales... La douleur est telle que l'adolescent a raconté aux enquêteurs avoir essayé d'avaler son bâillon pour s'étouffer et en finir.
Secouru par un grand du quartier, il passera un mois dans un service de grands brûlés, sous protection policière. "Il n'a plus de moteur", selon Me Torré. "Sa vie s'est arrêtée. C'est un mort-vivant".
Après avoir erré entre foyers et hôtels sociaux, il est désormais hospitalisé en psychiatrie, sous curatelle renforcée. Âgé aujourd'hui de 22 ans, il a témoigné vendredi en visio, le visage secoué de bâillements et de grimaces, peinant à répondre autrement que par "oui" ou "non". "J'essaie de passer à autre chose", a-t-il expliqué.
Entre 2022 et 2023, un jeune de 17 ans et trois jeunes majeurs, impliqués à des degrés divers dans son calvaire, ont été condamnés à des peines de 5 à 10 ans de réclusion.
Accusé d'être l'un des deux principaux tortionnaires - le second n'a pas pu être formellement identifié - M. M'Saidie "a sa place dans le box", avait insisté l'avocate générale, Vinciane De Jongh, requérant une peine de 30 ans de prison.
"Tout a été grossi pour présenter M. M'Saidie comme un monstre mais répéter dix fois la même chose n'en fait pas une vérité", avait plaidé son avocate, Me Kim Camus, relevant des incohérences dans les témoignages.
De nombreux adolescents sont recrutés via les réseaux sociaux pour venir trafiquer à Marseille. Certains d'entre eux se retrouvent rapidement soumis aux réseaux avec de nombreux cas de séquestration, torture, voir viol.
Depuis cette affaire emblématique de la cité Félix-Pyat, les autorités réfléchissent à comment sortir ces jeunes de cette spirale qui s'apparente, pour certains magistrats, à de la traite d'êtres humains.
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