L'Allemande Annalena Baerbock : des "Grünen" à l'Assemblée générale de l'ONU

Par Terriennes
Par Liliane Charrier


À 44 ans, l'ancienne ministre des Affaires étrangères allemande est la première Européenne – et la cinquième femme – nommée à la présidence de l'Assemblée générale des Nations unies. Issue du parti écologiste, Annalena Baerbock défend avec modernité des valeurs humanistes et féministes.

À 44 ans, l'ancienne ministre des Affaires étrangères allemande est la première Européenne – et la cinquième femme – nommée à la présidence de l'Assemblée générale des Nations unies. Issue du parti écologiste, Annalena Baerbock défend avec modernité des valeurs humanistes et féministes.
Certains l'auraient bien vue comme successeure à Angela Merkel... En 2021, Annalena Baerbock est la candidate du parti écologiste aux élections fédérales - parti qu'elle dirige depuis trois ans. L'Allemagne s'apprête alors à choisir celui ou celle qui va reprendre le fauteuil de "Mutti", restée au pouvoir seize ans et seize jours.
La quadragénaire est la seule femme, et aussi la plus jeune, des candidats des trois principales formations politiques en présence. Les sondages placent alors les Grünen en première position des intentions de vote. Mais plusieurs polémiques, dont certaines liées à Annalena Baerbock, entameront cette avance et les Verts arriveront en troisième position des élections avec un score de 14,75 %.
Dans le gouvernement du nouveau chancelier social-démocrate Olaf Scholz, Annalena Baerbock est nommée ministre des Affaires étrangères ; elle est la plus jeune et la première femme à occuper ce poste en Allemagne.
Son ton direct et nature, parfois maladroit, sa façon d'intégrer l'humain et l'émotion à ses discours et de s'approprier les dossiers les plus médiatiques, tranchent avec la pratique traditionnelle de sa fonction en Allemagne.
La paix et le développement ne peuvent être pérennisés que si la moitié de l'humanité — les femmes — ont une place sur un pied d'égalité. Annalena Baerbock
En 2022, c'est elle qui est chargée d'élaborer la première stratégie de sécurité du pays à l’étranger. Peu après, elle énonce “la phrase que l’on ne doit pas prononcer” outre-Rhin, relaie le Courrier International. Invitée sur la chaîne de télévision ZDF, la ministre des Affaires étrangères allemande assure pour la première fois clairement qu’elle est en faveur d’une victoire ukrainienne, mettant en avant les violations des droits humains commises par le camp ennemi.
"Tant que Poutine bombarde des innocents, nous soutiendrons Kiev", assure-t-elle, affichant une fermeté qui rompt avec la prudence diplomatique du précédent gouvernement envers la Russie. “L’Ukraine doit gagner", affirme-t-elle. "Il est évident que la Russie ne doit pas gagner cette guerre. Il faut au contraire qu’elle la perde stratégiquement”, dit-elle encore, même si elle refuse de fournir des armes allemandes à l'Ukraine.
Diplomatie féministe
Dans le droit fil des valeurs défendues par le parti qui a vu naître sa vocation politique, les Verts, Annalena Baerbock prone l'humanisme et le féminisme. Avec Svenja Schulze, ministre du Développement, elle fait acter en Conseil des ministres une diplomatie féministe prévoyant d'ancrer les thématiques de genre dans leurs décisions.

Soutenir les droits des femmes, des enfants et des marginalisés, favoriser leur représentation et leur accès aux ressources, financières et éducatives, et promouvoir la parité parmi les diplomates – tels sont les piliers de la diplomatie féministe. Objectif, par exemple : dépenser 85 % du budget de projet de manière "genrée" pour intégrer les intérêts des femmes, ou nommer des femmes à moins 50 % des postes de direction au ministère.
Lors de ses déplacements, Annalena Baerbock a à coeur de rencontrer des femmes de la société civile, entrepreneuses, intellectuelles ou agricultrices...
"Il ne s'agit pas d'une politique étrangère pour les femmes, mais pour l’ensemble des membres de la société, explique-t-elle. Nous n’appelons pas à une révolution mais nous faisons une chose évidente. Nous voulons faire en sorte que nos politiques atteignent tout le monde... C’est une question de justice".
Après les élections fédérales de 2025, les Verts passent dans l'opposition et Annalena Baerbock cède son ministère à Johann Wadephul (CDU). En juin 2025, elle renonce à son mandat au Parlement fédéral et quitte officiellement la scène politique allemande.
Présidente de l'Assemblée générale de l'ONU, envers et contre la Russie
Depuis toujours ambitieuse et "grosse bosseuse", selon Daniel Cohn-Bendit, qui l'a cotoyée au Parlement européen, l'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères est élue le 8 septembre 2025 présidente de la 80e session de l'Assemblée générale de l'ONU.
"La paix et le développement ne peuvent être pérennisés que si la moitié de l'humanité — les femmes — ont une place sur un pied d'égalité", souligne-t-elle dans son discours d’investiture.
Lors d'un débat mi-mai 2025, la Russie avait très clairement témoigné de son opposition à la candidate : "Madame Baerbock a prouvé de façon répétée son incompétence, ses partis pris extrêmes et son manque de connaissance des principes de base de la diplomatie, déclarait l'ambassadeur russe adjoint Dmitry Polyanskiy. La décision des autorités à Berlin de pousser sa candidature..., au lieu de la candidate qui avait été annoncée précédemment et qui convenait à tout le monde, n'est rien moins que cracher au visage de l'organisation mondiale".
Le 8 septembre 2025, Annalena Baerbock a obtenu 167 voix en sa faveur, 14 Etats se sont abstenus et 7 ont voté pour la diplomate allemande Helga Schmid.
"Nous vivons une époque difficile, nous marchons sur une corde raide d'incertitude. Mais la naissance des Nations unies, il y a quatre-vingts ans nous rappelle que nous avons traversé d'autres périodes difficiles. C'est à nous de relever ces défis, déclare Annalena Baerbock après son élection. Je mènerai avec tous les Etats membres un dialogue basé sur la confiance. Ma porte sera toujours ouverte", promet celle qui succède au Camerounais Philémon Yang.
Cinq femmes
Avant Annalena Baerbock, quatre autres femmes ont assumé la présidence de l'Assemblée générale de l'ONU à des périodes où les Nations unies faisaient face à des temps incertains. Leur nomination est révélatrice du chemin parcouru par l'Organisation en cinquante ans, mais surtout de celui qui lui reste à parcourir pour promouvoir l'égalité des sexes.
María Fernanda Espinosa, ancienne ministre de la défense et des affaires étrangères de l'Équateur, a présidé l'Assemblée générale de 2018 à 2019.
Sheikha Haya Rashed Al Khalifa, du Barheïn, fut la troisième femme à occuper ce poste en 2006. L'une des premières femmes juristes dans son pays, elle en avait été la première ambassadrice, en France.
Angie Elisabeth Brooks, du Liberia, a présidé la vingt-quatrième session en 1969, après une longue carrière à l'ONU.
Vijaya Lakshmi Pandit a présidé la huitième session en 1953. Sœur du Premier ministre Jawaharlal Nehru, elle fut en Inde la première femme ministre, la première femme ambassadrice, la première femme à la tête d'une délégation de l'ONU. Et la toute première femme à présider l'Assemblée générale des Nations unies.
Pourquoi pas ?
María Fernanda Espinosa, ancienne présidente de l'Assemblée générale de l'ONU, se félicite de l'élection de la cinquième femme à ce poste. Cette nomination est selon elle "l'occasion de repenser les styles de leadership et d'envisager enfin une femme au poste de Secrétaire général". La prochaine nomination est prévue en 2026.
"La vraie question est : pourquoi pas ?", dit-elle. Une femme Secrétaire générale pourrait apporter des qualités telles que "gestion forte et une capacité à établir des ponts", ajoute-t-elle ; sa nomination représenterait un acte de "justice historique", après quatre-vingts ans de leadership masculin à la tête de l'ONU, et serait garante d'un "multilatéralisme plus inclusif et connecté", dans lequel les citoyens sont informés, impliqués et capables de suivre les décisions internationales qui sont prises.
(Re)lire dans Terriennes :
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