"Justice pour Lara, Brenda et Morena": onde de choc en Argentine après un triple narco-féminicide

Par Terriennes avec AFP
Par Isabelle Mourgere avec AFP


L'Argentine reste sous le choc après la mort de Lorena, Brenda et Morena, retrouvées assassinées ce 24 septembre après avoir été torturées. Leurs familles se mobilisent pour réclamer justice. Leur meurtre, filmé et diffusé en direct sur un compte privé sur les réseaux sociaux, serait lié au narco-trafic.

L'Argentine reste sous le choc après la mort de Lorena, Brenda et Morena, retrouvées assassinées ce 24 septembre après avoir été torturées. Leurs familles se mobilisent pour réclamer justice. Leur meurtre, filmé et diffusé en direct sur un compte privé sur les réseaux sociaux, serait lié au narco-trafic.
C'est tout un pays qui les pleure. Morena Verdi, 20 ans, Brenda del Castillo, 20 ans, Lara Gutiérrez, 15 ans: trois jeunes femmes, trois amies - deux étaient cousines. Cinq jours après leur disparition, leurs dépouilles ont été retrouvées ce mercredi 24 septembre enterrées près d'une maison dans la grande banlieue sud de Buenos Aires.
Avant d'être tuées, elles ont subi une séance de torture qu'auraient vue en direct 45 personnes membres d'un compte fermé sur les réseaux sociaux. Apparemment pour faire un exemple disciplinaire au sein d'un groupe criminel.
Justice pour Lara, Brenda et Morena
Ce drame a provoqué une véritable onde de choc à travers le pays. Samedi 27 septembre, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Buenos Aires pour réclamer justice.
Ce n'étaient pas des assassins, mais des sanguinaires. Même à un animal on ne fait pas ce qu'ils leur ont fait. Antonio del Castillo, grand-père de Brenda et Morena
Parents, frère, cousin, grand-père... En tête de cortège, plusieurs membres des familles de victimes ont défilé derrière une banderole avec les prénoms "Lara, Brenda, Morena" et des pancartes à l'effigie des trois "chicas" entre la Place de Mai et le Parlement.
"Il faut protéger les femmes, que plus jamais ceci n'arrive", a pour sa part lancé Leonel del Castillo, le père de Brenda très ému. Dans la semaine, il avait dit n'avoir "pas pu reconnaître" le corps de sa fille, en raison des sévices subis.
"J'appelle les gens à être à nos côtés. Le pays tout entier est sous le choc de ce qui nous est arrivé", déclarait peu avant le début de la manifestation à des journalistes Antonio del Castillo, grand-père de Brenda et Morena. "Ce n'étaient pas des assassins, mais des sanguinaires. Même à un animal on ne fait pas ce qu'ils leur ont fait".
"Narco-féminicide"
Les trois jeunes femmes ont été vues pour la dernière fois le 19 septembre alors qu'elles montaient volontairement dans une voiture qui les a conduites à la maison où elles ont été torturées. Elles croyaient se rendre à une fête. Peu après la découverte des corps, deux hommes et deux femmes ont été placés en détention provisoire. Un cinquième suspect, soupçonné d'avoir fourni un soutien logistique avec une voiture, a été arrêté en Bolivie tout près de la frontière argentine.
Un sixième puis un septième suspect ont été interpellé depuis. Cet homme de 29 ans est soupçonné d'avoir été engagé par un gang criminel pour creuser le puits où les trois jeunes femmes ont été enterrées après avoir été démembrées, selon la police.
Selon les autorités, l'homme soupçonné d'être commanditaire de ce massacre est un Péruvien de 20 ans, trafiquant de drogue, surnommé "Petit J", qui menait ses activités criminelles depuis Zavaleta, un quartier précaire au sud de Buenos Aires. Un mandat d'arrêt international a été émis à son encontre.
"Pour survivre"
"C'était un narco-féminicide!" "Nos vies ne sont pas jetables!", "Nous nous aimons en vie!" pouvait-on lire sur des pancartes et banderoles dans la manifestation. La marche avait été convoquée par l'influente organisation "Ni una menos" (Pas une de moins) qui lutte contre les violences de genre.
Dans le cortège, Federico Celebon, cousin de Brenda et Morena, explique qu'il arrivait à ses cousines de se livrer à la prostitution "pour survivre", dans un contexte de pauvreté, et à l'insu de la famille.
Plusieurs médias affirment que c'est pour cette raison qu'elles auraient été conviées à cette soirée fatale. Pour leur cousin, elles ont eu "la malchance" de "se trouver au mauvais moment avec les mauvaises personnes".
Les trois jeunes femmes, dont l'une était mère d'un bébé d'un an, vivaient dans un quartier défavorisé du grand Buenos Aires.

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"Nous n'avons pas peur!"
Un contexte de pauvreté qui ne suffit pas à expliquer ce drame, selon Yamila Alegre, une maroquinière de 35 ans qui participait à la marche, ne cachant pas sa colère face au traitement médiatique de ce triple crime.
On essaie toujours de culpabiliser les filles, on sait tout de leur vie, qu'est-ce qu'elle faisaient là, comment est la famille, on publie leurs photos mais on ne sait rien des auteurs, pas leurs noms, leurs visages sont floutés. Yamila Alegre, manifestante
Elle pointe aussi "l'injustice" socio-économique qui pèse en premier lieu sur les filles, "quand on vit dans un quartier pauvre, avec peu de ressources, peu de possibilités, comme là où j'ai grandi, à Ituzaingo", dans la grande banlieue de Buenos Aires.
"Il y a de la pauvreté dans notre quartier, mais ce qu'on dit sur Lara est faux", s'insurge de son côté Del Valle Galvan, la tante de Lara, réfutant tout lien de sa nièce avec la drogue, ou la prostitution. Elle ne souhaite qu'une chose: "que justice soit faite, que rien ne soit étouffé, que toute la vérité éclate pour que les responsables répondent de leurs actes. Nous n'avons pas peur !".
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