Privé de censure, le RN entre amertume et "impatience"

Par AFP Par Gabriel BOUROVITCH © 2025 AFP

Lancé depuis plus d'un mois dans une pré-campagne pour la dissolution, le Rassemblement national a subi un coup d'arrêt avec l'échec des premières motions de censure. En attendant la prochaine occasion, Marine Le Pen et ses troupes entendent "se battre pied à pied" sur le budget.
Jusqu'au bout, ils ont fait mine d'y croire. Mercredi soir encore, Jordan Bardella jugeait "possible" la censure de Sébastien Lecornu et son gouvernement, qui devait "se jouer à quelques voix". Il en a finalement manqué dix-huit, et le RN se retrouve contraint de ronger son frein.
"C'est une journée bien triste pour notre pays", a réagi Jean-Philippe Tanguy, bras droit de Marine Le Pen, dépêché pour commenter ce revers. Dépité, l'élu de la Somme a eu beau jeu d'affirmer qu'il ne s'agit "pas du tout d'une défaite de (son) camp" qui conserve "le soutien massif des Français" - et caracole toujours en tête des sondages.
Le résultat n'en est pas moins difficile à digérer pour le parti d'extrême droite, qui exige depuis la rentrée "la rupture ou la censure" du Premier ministre, mais aussi "la dissolution ou la démission" d'Emmanuel Macron. Tout en faisant miroiter à ses électeurs la perspective d'une "majorité absolue" en cas d'élections anticipées.
Il faudra encore patienter. La faute, accuse Mme Le Pen, à "la piteuse coalition des partis du système" qui a permis à M. Lecornu "de durer quelques semaines de plus". Rhétorique dégagiste de nouveau assumée, à l'endroit d'une classe politique "marquée par le règne de la médiocrité".

"Vous n'échapperez pas au vote des Français (...) vous y retournerez la tête basse et la mine déconfite", a encore lancé à ses rivaux la patronne d'un RN qui "lui, attend le jour de la dissolution avec une impatience croissante".
Sentiment d'urgence sans doute encore accru par le rejet cette semaine au Conseil d'Etat d'un recours de la triple candidate à la présidentielle contre son inéligibilité immédiate. Ce qui laisse ses chances de concourir à un nouveau scrutin nettement compromises, jusqu'à son procès en appel début 2026.
"Eviter la casse"
Dans l'intervalle, l'extrême droite va devoir replonger dans la querelle budgétaire. "On ne va pas faire la politique de la chaise vide, on sera là pour défendre nos positions", assure Matthias Renault, qui entend aussi siéger pour "dénoncer le spectacle global" d'un débat présumé biaisé.
"A la fin, il y aura des ordonnances ou une loi spéciale", assure-t-il, malgré tout résolu à "prendre le sujet au sérieux" et autant que possible "accrocher des victoires symboliques" en commission voire dans l'hémicycle.
Y compris en votant la "suspension" de la réforme des retraites? "Il y a peu de doutes", le RN devrait voter la mesure, admet un membre du groupe, "mais sans aucune naïveté" sur le fait que "très clairement c'est un leurre" concédé par l'exécutif pour amadouer les socialistes.
Puisque la grande bataille électorale est reportée, "on va se battre pied à pied pour protéger les Français" avertit M. Tanguy. "Article par article, amendement par amendement (...) on fera le maximum pour éviter la casse, les taxes, les sacrifices", insiste le "monsieur budget" du RN à l'Assemblée.

Un moindre mal à en croire son collègue Laurent Jacobelli: "Ce ne sera jamais un budget RN, mais on va essayer de l'amender parce que si jamais il n'y a pas de censure, il vaut mieux que le budget soit moins mauvais que très mauvais".
Pour autant "notre logique reste le retour aux urnes, donc probablement à travers une censure", se rattrape aussitôt le porte-parole du parti.
Mais l'agenda est à présent entre d'autres mains, à Matignon, à l'Elysée et au PS. Ne restent que quelques créneaux au RN pour se démarquer: la présentation de son "contre-budget" le 23 octobre, puis sa "niche" parlementaire le 30. Avec le risque de voir, comme l'an dernier, ses textes rejetés et d'apparaître, une nouvelle fois, seul contre tous.
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