Le dernier membre retrouvé du "gang de Roubaix" peu coopératif à l'ouverture de son procès

Par AFP Par Zoé LEROY © 2025 AFP

Le procès de Seddik Benbahlouli, dernier membre retrouvé du "gang de Roubaix" après 27 ans de cavale, s'est ouvert vendredi devant les assises du Nord, pour sa participation présumée à ce groupe criminel des années 1990 mêlant grand banditisme et islamisme radical.
L'audience a débuté peu avant 10H à Douai, mais l'accusé s'est montré d'emblée guère coopératif.
"Je n'ai nullement l'intention de participer à ce procès. J'ai été clair depuis le début, à cause de la violation de mes droits dès les États-Unis", a déclaré Seddik Benbahlouli, 55 ans, crâne dégarni et barbe poivre et sel fournie.
Malgré ses protestations, il est d'abord resté dans le box des accusés à la demande de la présidente. "Vous devez au moins avoir cette dignité, c'est votre place", lui a-t-elle lancé. Mais lorsque l'homme a tenté de quitter de force le box, les policiers sont intervenus pour le faire sortir de la salle d’audience.
La journée sera notamment consacrée à l'enquête de personnalité.
Arrêté en 2023 aux États-Unis, où il vivait sous une fausse identité, Seddik Benbahlouli, originaire de Roubaix, avait été interpellé pour infraction à la législation sur les étrangers puis extradé vers la France.
Il sera jugé jusqu'au 27 octobre pour tentative de meurtre sur deux policiers en 1996, recel de véhicule volé et participation à une association de malfaiteurs.
Il avait été condamné pour ces faits à 20 ans de prison en 2001, par contumace. N'ayant pas acquiescé à ce jugement, il est rejugé comme si cette condamnation n'avait jamais existé.
Le "gang de Roubaix", qualifié d'"islamo-braqueurs" par l'ancien patron de la brigade criminelle de Lille, Romuald Muller, qui doit témoigner lundi au procès, s'était formé au milieu des années 1990 autour d'un noyau d'hommes fréquentant la mosquée Dawa de la ville.
La plupart de ses membres s'étaient rendus en Bosnie en 1994-1995, aux côtés d'islamistes venus combattre au sein de "brigades de moudjahidines".
En 1995 naissait l'idée de monter un groupe en France et d'organiser des braquages pour financer la cause islamiste armée.
"Eléments imparables"
Entre janvier et mars 1996, le gang mène une série de braquages et attaques à l'arme de guerre dans le nord de la France, causant la mort d'un civil à Roubaix lors d'une course-poursuite avec la police, et faisant plusieurs blessés.
Le 28 mars, un attentat à la voiture piégée devant le commissariat de Lille échoue de peu, à quelques jours d'une réunion du G7 dans la ville.
Le groupe est démantelé le lendemain, lors d'un assaut du Raid contre une planque à Roubaix. Quatre membres meurent sur place et le chef présumé, Christophe Caze, est abattu dans sa fuite en Belgique.
Les cinq survivants ont été condamnés, en première instance ou en appel entre 2001 et 2007, à des peines de 15 à 25 ans de réclusion criminelle.
Benbahlouli est lui soupçonné d'avoir ouvert le feu sur des policiers alors qu'il venait récupérer une Audi 90 volée, le 27 janvier 1996 à Croix, dans la banlieue lilloise. L'un des deux policiers avait été blessé par balle.
"Il n'y a pas de raison que, parce que cet individu était en fuite, il n'ait pas à s'expliquer devant la justice, même 30 ans après", a affirmé avant l'ouverture d'audience l'avocate des parties civiles, Me Blandine Lejeune, à l'AFP.
Les deux policiers, aujourd'hui à la retraite, "s'en souviennent comme si c'était hier. Quand on a frôlé la mort, qu'on s'est fait rafaler par des balles de Kalachnikov, ça ne s'oublie pas", a-t-elle ajouté.
Dans le dossier, "il y a des éléments imparables": de l'ADN de Benbahlouli "dans une trace de sang sur les lieux du crime. Je ne vois pas comment il pourrait contester les faits. En revanche, peut-être nous dira-t-il ce qu'il a fait pendant 30 ans?", a poursuivi Me Lejeune.
Après la chute du gang, Benbahlouli a disparu dans la nature. Selon les enquêteurs, il serait passé par le Togo, le Burkina Faso et le Yémen, avant de rejoindre la Belgique, sous une fausse identité. Sa trace s'est perdue en 1998.
L'un des temps forts du procès devrait être la journée d'audience de mercredi, où les quatre autres survivants du "gang de Roubaix" doivent témoigner.
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