George Clinton, que le funk soit avec lui
Par AFP Par Jérémy TORDJMAN © 2025 AFP
Pape du funk, maître à sampler du rap West Coast, père d'un afro-futurisme psychédélique et, désormais, peintre exposé à Paris... A 84 ans, le chanteur et compositeur américain George Clinton empile les casquettes avec la même décontraction hédoniste: "Il faut que ça funk".
Surgi à la fin des années 1960, le "Dr Funkenstein" a très tôt dynamité les codes de la très sage Motown où il a débuté, embarquant une armada de musiciens dans son vaisseau-mère - la "Mothership Connection" - pour créer le P-Funk, genre hybride adulé par Prince, Dr Dre, Snoop Dogg, Kendrick Lamar, D'Angelo ou encore les Red Hot Chili Peppers.
"On sortait de l'ère psychédélique et tout était possible", a-t-il raconté à l'AFP, lors d'une récente rencontre à Paris. "Je pouvais libérer mon esprit et faire toutes les sortes de musique qui venaient à moi".
Jonglant entre deux groupes, Parliament et Funkadelic, cet autodidacte a mixé soul, funk, rock et disco, concocté des aphorismes fleurant bon la libération sexuelle ("Free your mind and your ass will follow", en français "libère ton esprit et ton cul suivra") et livré des concerts de quatre heures où il débarquait d'une soucoupe volante en bottes cuissardes et combinaison flashy.
Aujourd'hui, l'ancien coiffeur du New Jersey, lauréat en 2019 d'un Grammy Award pour l'ensemble de son œuvre, a remisé tresses multicolores et psychotropes, se déplace avec peine mais continue la scène et garde ses chakras ouverts.
"Dès qu'une nouvelle musique me tape sur les nerfs, dit-il, ça m'intéresse, c'est le signe que c'est le nouveau truc du moment. C'est comme ça que je me libère du fait de vieillir".
Le funk a toujours été "son arme secrète", observe-t-il. "Cette musique a sauvé ma vie. Si tu es funky, tu peux t'adapter à tout. C'est comme Star Wars: utilise la force Luke, utilise le funk Luke", s'amuse-t-il.
"Au feeling"
Clinton sait de quoi il parle, lui qui doit désormais se fondre dans le monde ouaté de l'art contemporain.
Après de premières expositions aux États-Unis, plusieurs de ses toiles abstraites et une de ses sculptures représentant la célèbre "mothership" trônent, jusqu'au 18 décembre, dans la galerie Mariane Ibrahim, à deux pas de l'Élysée.
"Venir à Paris avec une partie de mon art et en parler, ça me donne l'impression d'être quelqu'un!", plaisante-t-il, lui qui a toujours adopté une approche très organique de la création artistique.
Clinton avait commencé par griffonner des petites têtes de chiens en guise d'autographe avant de se lancer plus sérieusement dans la peinture pendant le Covid, maniant l'acrylique et le spray.
"Je fais de la peinture comme je compose de la musique. Mes toiles, je n'avais aucune idée de ce qu'elles étaient au départ et je n'ai pas envie de les intellectualiser. Elles sont ce qu'elles sont, je les fais au feeling", déclare-t-il, l'œil malicieux.
Tout n'est toutefois pas qu'insouciance dans le monde de George Clinton.
Depuis de nombreuses années, le pape du funk est engagé dans plusieurs batailles judiciaires pour récupérer les droits sur son catalogue, dont il a été longtemps privé.
Son optimisme est aussi mis à rude épreuve par les tensions aux États-Unis, lui qui ne porte pas le président américain Donald Trump dans son cœur.
"Il y a toujours quelqu'un pour venir gâcher la fête et c'est ce qui est en train de se passer", estime-t-il. Trump "est comme un dessin animé, mais pas un bon dessin animé".
Dans l'album "Chocolate City" paru il y a tout juste cinquante ans, Clinton et son groupe Parliament imaginaient une Maison Blanche sous l'emprise du funk, avec Aretha Franklin en Première Dame et Stevie Wonder en ministre des Beaux-arts.
Ce rêve semble aujourd'hui évanoui mais Clinton croit toujours en de meilleurs lendemains. À une condition: "Il faut qu'on continue à funker!".
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