La boxeuse Imane Khelif porte plainte contre World Boxing: retour sur une affaire qui agite le monde du sport

Par Pierre Desorgues


La boxeuse algérienne Imane Khelif a porté plainte ce lundi 1er septembre devant le tribunal arbitral du sport contre World Boxing, l'organisme mondial chargé d'organiser la boxe amateur et ses tests génétiques appelés "tests de féminité". Elle veut participer sans tests aux prochains championnats du monde qui se dérouleront à Liverpool. Ces tests génétiques ne sont pas reconnus par le Comité olympique.

La boxeuse algérienne Imane Khelif a porté plainte ce lundi 1er septembre devant le tribunal arbitral du sport contre World Boxing, l'organisme mondial chargé d'organiser la boxe amateur et ses tests génétiques appelés "tests de féminité". Elle veut participer sans tests aux prochains championnats du monde qui se dérouleront à Liverpool. Ces tests génétiques ne sont pas reconnus par le Comité olympique.
"Je suis une femme comme les autres. Je suis née femme, j'ai vécu femme et j'ai concouru en tant que femme." C'était le 10 août 2024 quelques minutes après sa victoire et sa médaille d'or dans le tournoi olympique de boxe des moins de 66 kilos contre la chinoise Liu Yan.
La boxeuse algérienne était alors déjà au coeur d'une polémique sur son genre lors des Jeux de Paris. La jeune Algérienne avait été accusée par l'ancienne instance de la boxe olympique, l'IBA, d'être porteuse de chromosomes XY, et avait été bannie pour cette raison des Mondiaux 2023. Pourtant, elle avait toujours concouru en catégorie féminine sans la moindre controverse.
Relire : Affaire Imane Khelif, histoire d'une polémique qui dépasse largement le monde du sport
Le Comité olympique international avait rejeté cette décision et ainsi permis à la boxeuse de participer au tournoi olympique. Imane Khelif "est née femme, a été enregistrée femme, a vécu sa vie comme une femme, a boxé comme une femme, a un passeport de femme", avait alors affirme la porte-parole du CIO Mark Adams lors de la compétition. La polémique ne s'était pas calmée. Après la victoire de Imane Khelif aux Jeux de Paris, l'IBA avait menacé de poursuivre le CIO pour avoir autorisé la boxeuse à participer au tournoi.
Objectif : participer aux championnats du monde
Imane Khelif, porte donc plainte contre World Boxing devant le TAS. Elle veut également pouvoir participer "sans test" aux prochains Championnats du monde à Liverpool, qui débutent jeudi et dureront jusqu'au 14 septembre, précise la juridiction basée à Lausanne. Et elle demande surtout l'annulation de la décision prise fin mai par la fédération internationale World Boxing qui l'avait privé du tournoi d'Eindhoven, faute d'avoir subi le test génétique. La boxeuse ne veut plus que son genre soit débattu au sein des instances sportives
La requête de la championne olympique n'a aucune chance d'aboutir. Imane Khelif ne pourra pas participer aux championnats du monde, faute de test. La plainte devant le TAS n'est pas suspensive.
La boxeuse entend bien défendre son titre en 2028 aux Jeux de Los Angeles, avait-elle réaffirmé en mars dernier dans un entretien à ITV, la chaîne britannique. "Je défends ma médaille d'or avec tout ce que j'ai. Je continue mon rêve." C'était une réponse à Donald Trump.
Le président américain avait signé en mars dernier un texte interdisant "toute compétition féminine à des personnes transgenres." "Je vais vous donner une réponse directe (...) Je ne suis pas transgenre. Cela ne me concerne pas et ne m'intimide pas. Telle est ma réponse", avait fait savoir la boxeuse algérienne au micro de ITV.
Des tests génétiques controversées
C'est dans ce contexte que World Boxing, l'organisme mondial chargé de réguler la boxe amateur décide de mettre en place des tests génétiques pour toutes les boxeuses voulant participer aux tournois amateurs. Le test PCR/SRY, cherche à établir la présence ou l’absence d’un chromosome Y qui définit le genre, selon l'organisation.
Ce dépistage, tout sauf nouveau, avait pourtant été abandonné après les JO-1996 d'Atlanta face aux nombreuses critiques, venues à la fois de l'Association médicale mondiale, d'organisations de droits de d'homme et de la communauté scientifique.
Est-ce qu'un chromosome XY offre un avantage compétitif ? "La détermination du sexe biologique est beaucoup plus complexe" que l'équation "XY = homme", avertissait récemment dans le journal The Conversation le scientifique australien Andrew Sinclair, qui a découvert le gène SRY en 1990, rapporte l'AFP.

Il est par ailleurs possible d'avoir un chromosome XY sans que son taux de testostérone ait un impact sur ses performances. C'était le cas de la spécialiste espagnole des haies Maria José Martinez-Patino, privée des Jeux de Séoul en 1988 et première à avoir contesté avec succès les tests de féminité.
Dans son ouvrage" Dames", la socio-historienne, Anais Bohuon, évoque les "tests de féminité" dans les compétition sportives. Selon elle les sportives et les sportifs de haut niveau ont des capacités biologiques hors normes. Elles sont parfois innées, et indépendantes de leur sexe. "On ne remet pas en cause les performances du nageur Michael Phelps, comme elle le dit, en raison de ses pieds immenses et de sa faible production d'acide lactique qui pourtant lui conféreraient une suprématie sur ses concurrents", selon l'historienne interrogé par France Inter.
Certaines athlètes sont allées plus loin qu'un simple recours devant le tribunal arbitrale du sport comme Imane Khelif. C'est ainsi que l'athlète sud-africaine Caster Semenya a saisi la Cour européenne des droits de l'homme pour revenir dans son sport. Elle était privée de compétitions internationales depuis 2018 parce qu'elle refusait de faire baisser son taux de testostérone par un traitement hormonal afin de pouvoir participer dans la catégorie féminine.
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Selon la Cour européenne elle n'a pas bénéficié d’un procès équitable. Mais le temps est celui des retour des test de féminité. World Athletics, la Fédération internationale d'Athlétisme a également rétabli les tests PCR. Mise sous pression par ces grandes fédérations, la nouvelle présidente du CIO Kirsty Coventry a lancé fin juin un groupe de travail sur l'accès à la catégorie féminine. Elle promet des directives claires.
Depuis fin 2021, l'instance olympique fixait aux fédérations internationales de simples recommandations, et les dissuadait en particulier de "présumer" un avantage compétitif injuste en raison de "l'intersexuation, l'apparence physique ou la transidentité" d'une athlète. Elle laissait surtout aux médecins seuls, en cas de doute, la possibilité de procéder à des examens si nécessaire.
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