Économie: comment sortir du "cercle vicieux" de la mauvaise notation des États africains par des agences occidentales

Par TV5MONDE Patrice Férus


Analyse de Stanislas Zézé, fondateur de Bloomfield Investment Corporation, la première agence de notation financière basée en Afrique subsaharienne francophone.

Analyse de Stanislas Zézé, fondateur de Bloomfield Investment Corporation, la première agence de notation financière basée en Afrique subsaharienne francophone.
Les pays africains font face à des taux d'intérêt nettement plus élevés que ceux de leurs homologues européens et asiatiques, malgré des niveaux d'endettement similaires. Cette disparité soulève des questions cruciales sur l'influence des agences de notation occidentales et la dépendance économique du continent. Stanislas Zézé, fondateur de Bloomfield Investment Corporation, l'une des rares agences de notation africaines reconnues, nous éclaire sur ce sujet complexe.
Les agences de notation financière, comme Bloomfield, évaluent la qualité de crédit des entités, qu'il s'agisse de pays, d'institutions financières ou d'entreprises. Cette évaluation repose sur la capacité et la volonté de ces entités à honorer leurs obligations financières à court, moyen et long terme. Cependant, les agences internationales basent souvent leurs notations sur le dollar, présumant que toutes les entités empruntent et remboursent dans cette devise. Cette approche pose problème pour les pays africains, dont les économies sont souvent structurées autour de l'exportation de matières premières et de l'importation de produits finis, entraînant des réserves de devises faibles.
Sortir du cercle vicieux économique
Cette situation crée un cercle vicieux où, malgré les performances économiques, les notations restent faibles, augmentant ainsi les coûts d'emprunt pour les pays africains. Stanislas Zézé souligne que la création de Bloomfield visait à corriger cette logique en fournissant des notations en monnaie locale, reflétant mieux la réalité économique des pays africains. En effet, une entité peut être financièrement solide dans sa propre monnaie tout en étant perçue comme faible en dollars.
(Re)voir Afrique du Sud: baisse de la notation financière après l'éviction de Pravin Gordhan
L'Union africaine envisage de créer une agence de notation panafricaine, l'AFCRA. Cependant, Zézé exprime des réserves quant à la pertinence de ce projet, soulignant le risque de conflit d'intérêts si une agence publique devait évaluer les pays membres. Il préconise plutôt de renforcer les capacités des agences privées existantes, comme Bloomfield et Augusto au Nigeria, pour offrir des évaluations crédibles et indépendantes.
Le cas du Sénégal
L'actualité récente au Sénégal, avec la découverte d'une dette cachée par la Cour des comptes, illustre les défis de la gestion des finances publiques en Afrique. Bloomfield a pris en compte ces révélations pour ajuster la notation du pays, soulignant l'importance d'une évaluation financière rigoureuse et indépendante.
Les défis économiques auxquels font face les pays africains, exacerbés par des notations internationales souvent biaisées, nécessitent des solutions adaptées à leur contexte spécifique. La création d'agences de notation locales et le renforcement des structures existantes pourraient offrir une perspective plus juste et équilibrée, permettant aux économies africaines de mieux se positionner sur la scène internationale.
(Re)voir France : avertissement de l'agence de notation Fitch
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