Guerre en Ukraine: pourquoi les missiles Tomahawk sont si importants et préoccupent autant Vladimir Poutine
Par Maeliss ORBOIN avec agences
En visite à Washington, où il est arrivé ce jeudi 16 octobre, Volodymyr Zelensky espère convaincre Donald Trump de livrer des missiles Tomahawk à l'Ukraine pour contrer la Russie. Cette possibilité, pour l'instant écartée par le président américan, a entraîné un appel téléphonique avec son homologue russe. Si ces missiles ne sont pas la seule solution face à la Russie, ils représentent tout de même une menace importante pour Vladimir Poutine.
En visite à Washington, où il est arrivé ce jeudi 16 octobre, Volodymyr Zelensky espère convaincre Donald Trump de livrer des missiles Tomahawk à l'Ukraine pour contrer la Russie. Cette possibilité, pour l'instant écartée par le président américan, a entraîné un appel téléphonique avec son homologue russe. Si ces missiles ne sont pas la seule solution face à la Russie, ils représentent tout de même une menace importante pour Vladimir Poutine.
Volodymyr Zelensky est arrivé à Washington ce jeudi 16 octobre. Hormis sa rencontre avec Donald Trump où la livraison de missiles Tomahawk sera au cœur des discussions, le président ukrainien a rencontré des représentants américains de l'industrie de la Défense. Parmi eux, le fabricant des systèmes antiaériens Patriot et des missiles Tomahawk que Kiev réclame pour se défendre contre les frappes russes.
La veille, Donald Trump s'est longuement entretenu par téléphone avec le président russe Vladimir Poutine, qui a averti qu'une livraison de missiles Tomahawk "nuirait considérablement" à la relation russo-américaine ainsi qu'aux perspectives de règlement du conflit.
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Le Tomahawk, un super-missile
Pourquoi la potentielle livraison de ces missiles préoccupent autant le président russe? Sa portée est cinq fois supérieure au missile sol-sol ATACMS que Washington a commencé à livrer à Kiev en 2023. Tiré depuis des sous-marins ou des navires de surface, le BGM-109 Tomahawk vole jusqu'à 2.500 kilomètres selon les versions, à 880 km/h à quelques dizaines de mètres du sol. Cette dernière caractéristique le rend difficilement détectable et interceptable par les radars.
Avec le Tomahawk, l'Ukraine pourrait ainsi viser au moins 1.655 cibles d'intérêt, dont 76 bases aériennes en Russie, bien au-delà de Moscou, selon l'Institut pour l'étude de la guerre américain (ISW). Ces derniers mois, l'Ukraine mène une campagne de frappes contre les infrastructures pétrolières russes, mais reste limitée dans sa puissance de destruction en raison de la faible capacité d'emport des drones qu'elle utilise.
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Ce missile permettrait donc à l'Ukraine de frapper loin à l'intérieur du territoire russe. Avec sa charge explosive de 450 kilos, le Tomahawk est utilisé contre des sites de défense anti-aériens, des centres de commandement, des aérodromes ou toute cible très défendue... Son coût est colossal: 2,5 millions de dollars, selon les documents budgétaires de l'US Navy.
Le missile chouchou des Américains
C'est un missile de croisière en service depuis 42 ans. Il est utilisé dans la quasi-totalité des interventions militaires américaines. Il a été produit à 8.959 exemplaires depuis le début du programme, selon les documents budgétaires américains. Plus de 2.350 ont été tirés depuis leur première utilisation, lors de l'opération "Tempête du désert" contre l'Irak en 1991.
Quelque 80 missiles encore été tirés en janvier 2024 contre les Houthis au Yémen et 30 autres contre des sites nucléaires en Iran en juin.
Nous ne pouvons pas appauvrir (les réserves de) notre propre pays. Nous en avons besoin aussi, donc je ne sais pas ce que nous pouvons faire.
Donald Trump, président américain.
Une version du Tomahawk emportant une charge nucléaire a été retirée du service en 2013. La cinquième génération du missile, utilisée depuis 2021, lui permet notamment d'être redirigé une fois tiré ou de tourner autour de sa cible avant de plonger dessus.
Le Tomahawk est également en service dans la marine britannique. Le Japon a décidé l'an passé d'en acquérir 400, l'Australie et les Pays-Bas envisagent de s'en doter également.
Une livraison est-elle vraiment réalisable?
Une question demeure cependant en suspend. La question du nombre de missiles que les États-Unis pourraient fournir à l'Ukraine. "Entre 20 et 50 exemplaires", estime Stacie Pettyjohn, chercheuse au sein du groupe de réflexion CNAS (Center for a new American security) sur X.
L'US Navy n'en a commandé que 57 pour 2026, un volume insuffisant pour que son fabricant Raytheon, - que Volodymyr Zelensky a rencontré lors de son déplacement à Washington -, puisse rapidement monter en cadence, selon le chercheur allemand spécialiste des missiles Fabian Hoffmann.
Il faudrait donc les prélever sur les stocks américains ce que le président américain ne semble pas très enclin à faire. "Nous ne pouvons pas appauvrir (les réserves de) notre propre pays", a déclaré le président américain en réponse à une question sur ces missiles de croisière.
Il a ajouté: "Nous en avons besoin aussi, donc je ne sais pas ce que nous pouvons faire." De quoi entretenir le doute sur la livraison potentielle de ces missiles. Selon un haut responsable ukrainien, les fabricants d'armes américains avaient "besoin d'un signal politique" pour commencer leurs livraisons à Kiev.
Je ne crois pas qu'un système d'armes puisse changer radicalement la situation en Ukraine.
Général Pierre Schill, chef de l'armée de Terre française.
Les lanceurs terrestres, vraisemblablement utilisés par l'Ukraine, sont en quantité très restreinte: l'US Army n'a pour l'heure que deux batteries de quatre lanceurs et le corps des Marines que quatre lanceurs.
Qu'est-ce que cela va changer?
Comme les chars de bataille ou les F-16 et Mirage déjà cédés auparavant, le Tomahawk "n'est pas une arme miracle qui va gagner la guerre", juge Stacie Pettyjohn. La chercheuse se dit quand même "favorable à l'envoi de Tomahawks en Ukraine, car ils pourraient être utilisés pour endommager efficacement des cibles militaires russes plus éloignées et avoir un effet stratégique et opérationnel notable". En clair: donner un coup de pouce aux Ukrainiens pour riposter et attaquer.
"Je ne crois pas qu'un système d'armes puisse changer radicalement la situation en Ukraine", abonde le chef de l'armée de Terre française, le général Pierre Schill. D'autant qu'avec le missile Flamingo, "les Ukrainiens ont développé des capacités de frappe dans la grande profondeur, qu'ils construisent eux-mêmes et qu'ils emploient aujourd'hui sur le terrain".
Pour lui, l'éventuelle livraison de Tomahawks est "avant tout un signal politique et stratégique de Trump à Poutine pour dire "je t'ai dit que je souhaitais qu'on aille vers la paix, je suis prêt à soutenir les Ukrainiens"" si cela n'avance pas.
Pour Vladimir Poutine, la fourniture de Tomahawks à Kiev constituerait "une nouvelle escalade" et affecterait les relations russo-américaines. Le numéro deux du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev a agité la menace d'escalade nucléaire. Il a estimé que la livraison de Tomahawk à Kiev "pourrait mal finir pour tout le monde et, avant tout, pour Trump lui-même".
"Maintes et maintes fois, Moscou a décrété une nouvelle ligne rouge tout en avertissant l'Occident de potentielles représailles russes, pour ensuite ne rien faire lorsque ces lignes rouges sont franchies", rappelle Peter Dickinson, chercheur à l'Atlantic Council.
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