"Une stratégie de conservation du pouvoir": quel bilan cinq ans après le coup d'État au Mali?

Par TV5MONDE VICKY BOGAERT
Par Lorène Bienvenu VICKY BOGAERT


Cinq ans après avoir renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta au Mali, les militaires sont toujours au pouvoir, sans élections en vue et ont même renforcé leur influence. Rupture avec la France, rapprochement avec la Russie : quel bilan sécuritaire, démocratique, politique peut-on faire? Analyse du sociologue Mohamed Amara, sur TV5MONDE.

Cinq ans après avoir renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta au Mali, les militaires sont toujours au pouvoir, sans élections en vue et ont même renforcé leur influence. Rupture avec la France, rapprochement avec la Russie : quel bilan sécuritaire, démocratique, politique peut-on faire? Analyse du sociologue Mohamed Amara, sur TV5MONDE.
Le 18 août 2020, le Mali est le théâtre d'un coup d'État militaire qui renverse le président Ibrahim Boubacar Keïta. Cinq ans plus tard, les militaires sont toujours au pouvoir, sans qu'aucune élection ne soit en vue. Assimi Goïta, le chef incontesté des autorités, a même fait en sorte qu'il garde le pouvoir à vie. Un texte, promulgué en juillet, lui donne le pouvoir jusqu'en 2030 avec un mandat renouvelable autant de fois que nécessaire.
L'influence de la junte s'est renforcée au cours des années, en témoigne la rupture avec la France et un rapprochement avec la Russie. Quel bilan peut-on tirer de cette situation sur les plans sécuritaire et politique? Pour y répondre, TV5MONDE a échangé avec Mohamed Amara, sociologue et auteur du livre "Marchands d'angoisse".
"La situation sécuritaire s'est globalement dégradée"
Les militaires avaient promis de restaurer la sécurité et de ramener la paix au Mali. Cinq ans après, ces promesses semblent loin d'être tenues, estime le sociologue. Bien que certaines avancées aient été réalisées, comme la récupération de Kidal, "la situation sécuritaire s'est globalement dégradée".
(Re)lire Il y a 8 ans, le coup d'État au Mali contre le président Amadou Toumani Touré
Les groupes djihadistes continuent de sévir, non seulement au Mali, mais aussi dans les pays voisins comme le Niger et le Burkina Faso. Cette instabilité régionale complique davantage la tâche des autorités maliennes.
Sur le plan politique, la transition annoncée comme temporaire s'est installée dans la durée. Cette situation soulève des questions sur la nature même de la transition. Selon Mohamed Amara, une transition devrait être un pouvoir éphémère, menant à un retour à l'ordre constitutionnel, "ce qui n'est pas le cas actuellement au Mali". Il dénonce plutôt une "stratégie de conservation du pouvoir".
Ce n'est pas comme avant où tout passait par la gouvernance d'État. Aujourd'hui, les réseaux sociaux permettent aux uns et aux autres de critiquer et de dire ce qu'ils pensent du pouvoir.
Mohamed Amara, sociologue et écrivain
Mohamed Amara pointe aussi du doigt la "dissolution des associations, des partis politiques et des regroupements politiques qui a contribué à créer un contexte conflictuel que le Mali n'a pas connu depuis une trentaine d'années".
Malgré la censure de l'opposition politique, un "univers d'opposition informelle" persiste grâce aux réseaux sociaux. Les plateformes permettent aux citoyens de critiquer et de s'exprimer librement, ce qui complique la gouvernance pour les autorités en place. "Ce n'est pas comme avant où tout passait par la gouvernance d'État, indique Mohamed Amara. Aujourd'hui, les réseaux sociaux permettent aux uns et aux autres de critiquer et de dire ce qu'ils pensent du pouvoir."
Des tensions au sein de l'armée
Récemment, des arrestations de civils et de militaires, suspectés de tentatives de déstabilisation, ont mis en lumière des tensions internes. Ces événements révèlent une crise de confiance au sein de l'armée et des autorités militaires. Cette situation est exacerbée par les défis sécuritaires persistants dans le pays.
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Pour Mohamed Amara, la solution réside dans la mise en place d'une alliance républicaine qui inclurait tous les acteurs de la société, qu'ils soient politiques, religieux ou associatifs. Cette entente pourrait permettre de répondre aux besoins fondamentaux des Maliens, tels que l'accès à l'eau, à la santé, à l'éducation et à la sécurité alimentaire.
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