États-Unis: une célèbre photographie d'un esclave fouetté au 19e siècle interdite par l'administration Trump

Par Lorène Bienvenu


L’administration Trump a interdit plusieurs expositions liées à l'histoire de l’esclavage aux États-Unis, d’après les informations du Washington Post. Parmi les contenus censurés, la photographie d'un ancien esclave, devenue un symbole fort de la lutte contre les violences racistes.

L’administration Trump a interdit plusieurs expositions liées à l'histoire de l’esclavage aux États-Unis, d’après les informations du Washington Post. Parmi les contenus censurés, la photographie d'un ancien esclave, devenue un symbole fort de la lutte contre les violences racistes.
Un homme noir, ancien esclave est assis sur une chaise en bois. Son dos découvert est strié de cicatrices. "The Scourged Back" ("Le dos flagellé", en français), a été interdite par l'administration de Donald Trump. Cette photo en noir et blanc, est devenue célèbre par la dureté du souvenir auquel elle renvoie. Elle était exposée dans l'un des plus grands musées d'art du monde, la National Gallery of Art, situé à Washington D.C. aux États-Unis.
Le gouvernement a ordonné le retrait d’expositions liées à l’époque de l’esclavage aux États-Unis, dans plusieurs parcs nationaux, d’après le Washington Post.
Ces interdictions découlent du décret présidentiel, signé en mars par Donald Trump, qui ordonne au ministère de l'Intérieur d'éliminer toute information reflétant une "idéologie corrosive" qui dénigre les Américains.
Cette décision intitulée "restaurer la vérité et la raison dans l'histoire américaine" fait écho aux accusations que Donald Trump porte contre l’ensemble des musées américains. Le président des États-Unis lui reproche de faire partie d'un "mouvement révisionniste" et de mener un "endoctrinement idéologique" à base de "récits déformés" et "qui divisent".
L’ensemble des expositions est en ce moment inspectée, a déclaré la porte-parole du Service des parcs nationaux, Rachel Pawlitz, dans un communiqué. "Les supports qui mettent disproportionnellement l'accent sur les aspects négatifs de l'histoire des États-Unis ou des personnages historiques, sans tenir compte du contexte général ou des progrès nationaux, peuvent involontairement fausser la compréhension plutôt que l'enrichir", a-t-elle ajouté.
Le Washington Post rapporte que les ordres qui émanent de ce décret sont interprétés "au sens large" pour inclure "les informations sur le racisme, le sexisme, l'esclavage, les droits des homosexuels ou la persécution des peuples autochtones", citant des documents divulgués et des sources internes anonymes qui ne sont pas autorisées à s'adresser aux médias.
Un esclave en fuite
"The Scourged Back" fait partie des dizaines d'objets exposés sur l'esclavage qui auraient été rejetés par l'administration Trump.
Elle est prise en 1863, alors que la guerre civile bat son plein. L'homme photographié est appelé Gordon ou "whipped Peter". Il est un esclave qui a pris la fuite d'une plantation voisine dans laquelle il était retenu. L'image est capturée dans un camp de soldats le long du Mississippi, dans lequel il s'est réfugié.
En quelques mois, cette image s'est imposée comme l'un des premiers exemples de la large diffusion des photographies abolitionnistes idéologiques.
The Metropolitan Museum of Art
Cette photographie, prise par William D. McPherson and J. Oliver, est "peut-être le plus célèbre de tous les portraits d'esclaves connus de l'époque de la guerre civile", indique le site du Metropolitan Museum of Art (Met), le plus grand musée d'art des États-Unis.
La légende originale indique : "Le contremaître Artayou Carrier m'a fouetté. À la suite de cette flagellation, j'ai du garder le lit pendant deux mois. Mon maître est venu après que j'ai été fouetté ; il a licencié le contremaître. Ce sont les propres paroles du malheureux Peter alors qu'il posait pour la photo."
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Son portrait est publié sous forme de gravures sur bois dans un numéro spécial consacré à la fête de l'indépendance, dans le Harper's Weekly, un magazine hebdomadaire politique américain. La photographie, accompagnée du récit de Gordon, bouleverse alors les États-Unis. "En quelques mois, cette image s'est imposée comme l'un des premiers exemples de la large diffusion des photographies abolitionnistes idéologiques", rapporte le site du Met.
Le ministère de l’Intérieur américain, en réponse à l’ordre de Trump, a publié une série de directives demandant aux employés des parcs nationaux de signaler les contenus qui posent problème au gouvernement. Les responsables de l’administration Trump ont également appelé les visiteurs des parcs à faire de même. "Mais ils ont surtout reçu des critiques à leur égard et des éloges pour les parcs", note le Washington Post.
Un symbole de lutte contre les violences racistes
D’après le quotidien américain, les responsables du Service des parcs nationaux ont néanmoins contesté divers panneaux et expositions au parc historique national de Harpers Ferry en Virginie-Occidentale et dans l'ancienne maison de George Washington à Philadelphie, où le premier président américain détenait neuf esclaves.
La photographie “The Scourged Back” est devenue un symbole de lutte contre les violences racistes et une source d’inspiration ces dernières décennies. Le Washington Post rappelle qu’elle avait été republiée en Une par The New Yorker, lors des commémorations de la mort de George Floyd, tué par la police. La même année, l’actrice Viola Davis fait aussi référence à cette photographie, en posant le dos nu, en couverture de Vanity Fair.
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