Au procès de l'assassinat d'un jeune corse, sa mère dénonce "l'omerta" sur l'île

Par AFP Par Julie PACOREL © 2025 AFP

"Personne ne viendra jamais témoigner ici, on le sait en Corse, il y a l'omerta pour les cours d'assises", a dénoncé d'une voix tremblante la mère d'Antoine Francisci, tué sur le bord d'une route de l'île, face aux meurtriers présumés de son fils.
Veste sombre, une écharpe nouée autour du cou, Sophie Bouquet, 55 ans, a été entendue mardi, au procès de "Mimi Costa", 70 ans, figure du banditisme corse accusée d'avoir tué son fils de 22 ans en 2019.
Elle assiste aux débats depuis son premier jour, un fait rarissime dans les affaires de criminalité organisée corses où les bancs des victimes sont bien souvent vides. Elle dit se sentir "seule et frustrée" et lâche: "Je ne pouvais pas désigner de témoins, personne ne viendra témoigner".
"Vous êtes une femme courageuse madame, il y a peu de parties civiles qui se présentent dans les procès corses", a reconnu un avocat de la défense, Me Pierre Bruno.
La mère endeuillée a fait défiler devant la cour, des photos du jeune homme: Antoine bébé, puis en maillot de foot, attablé en famille, ou dans les bras de son père, avec qui il partageait l'amour des voitures.
un jeune "tout doux, aimant"
Ses proches décrivent ce jeune homme, mince et brun, comme "un amour", passionné de rallye auto.
Pour une de ses amies d'enfance, c'était "un petit frère, tout doux, aimant, pas une once de méchanceté".
Interrogée à distance, depuis Bastia, la jeune femme est moins prolixe lorsqu'elle est interrogée sur les fréquentations et les occupations d'Antoine. Son visage et ses réponses se ferment quand le président s'étonne qu'elle n'ait pas demandé à son ami, à qui elle avait prêté sa puissante voiture le jour du meurtre, pourquoi il devait se rendre à Corte.
Un autre ami, lui aussi entendu à distance, raconte avoir diné le soir-même de sa mort avec Antoine, qui "ne cesse de regarder son heure parce qu'il avait un rendez-vous". Lui non plus n'a pas demandé avec qui.
Pour cet ami, Antoine, qui se destinait à conduire des engins de chantier, "a eu beaucoup de mal à se remettre du décès de son père", mort dans un accident de la route en 2011.
Des proches ont assuré aux enquêteurs que cet événement l'aurait fait "déraper", quelque chose s'est "passé dans sa tête".
Selon les enquêteurs, Antoine Francisci était devenu le bras droit de Laurent Emmanuelli, figure montante du banditisme corse soupçonné d'avoir cherché activement à s'implanter en Balagne, la région de Calvi en Haute-Corse et était de ce fait en concurrence avec le clan Costa, aujourd'hui accusé du meurtre.
"Il a été entrainé, il a manqué de discernement", conclut sa mère à l'audience, sans croire qu'Antoine faisait autre chose que "suivre Laurent".
Madame Bouquet est aujourd'hui "très en colère" contre Laurent Emmanuelli, dont l'enquête a montré qu'il avait laissé son ami mort sur place, se rendant même suspect de modification de scène de crime et de non-dénonciation.
"Son ami, il l'a laissé toute la nuit comme un chien, sous la pluie, criblé de chevrotine", a rappelé Mme Bouquet. "C'est lui qu'on voulait tuer, faut pas l'oublier non plus, mon fils, c'est un dommage collatéral".
Les enquêteurs ont découvert que la cible des assassins était Laurent Emmanuelli, conducteur habituel du buggy que conduisait ce soir-là Antoine Francisci et qu'il suivait en "convoi" dans une voiture. Dominique Costa est d'ailleurs aussi jugé pour "tentative de meurtre en bande organisée" sur ce dernier.
Laurent Emmanuelli sera entendu mercredi et son témoignage est très attendu par toutes les parties de ce procès qui doit durer jusqu'au 2 octobre.
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