Cameroun: Paul Biya de nouveau réélu, son principal adversaire dénonce une "mascarade"
Par AFP © 2025 AFP
Le président camerounais Paul Biya, 92 ans et au pouvoir depuis 1982, a été réélu sans surprise avec 53,66% des voix, selon les résultats officiels publiés lundi, aussitôt contestés par son principal adversaire Issa Tchiroma Bakary qui a dénoncé une "mascarade".
La plupart des analystes s'attendaient à ce que Paul Biya, plus vieux chef d'Etat en exercice au monde, réélu jusque là avec plus de 70% des voix depuis plus de deux décennies, remporte un nouveau septennat, dans un système que ses détracteurs accusent d'avoir verrouillé au fil de ses 43 ans au pouvoir.
Mais le scrutin a été plus serré que prévu. Selon les chiffres officiels proclamés par le Conseil constitutionnel lundi, Issa Tchiroma Bakary est arrivé second avec 35,19% des voix.
"Je l'ai battu"
"Il n'y a pas eu élection, c'était plutôt une mascarade" orchestrée par "une dictature pure et dure". "Le monde entier, le peuple camerounais dans son ensemble sait que je l'ai battu" en remportant "65 à 70% des voix, a affirmé à l'AFP l'opposant.
Le candidat a déploré "deux morts" après la proclamation des résultats parmi des manifestants regroupés autour de son domicile de Garoua dans le nord du Cameroun.
"Une dizaine de snipers" sont postés sur les toits, a-t-il affirmé à l'AFP. Un journaliste de l'AFP présent sur place a vu un homme se faire tirer dessus. L'AFP n'a pas pu confirmer sa mort.
Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de M. Biya, s'est autoproclamé victorieux face au président sortant après le scrutin du 12 octobre et avait appelé les Camerounais à sortir massivement pour défendre sa victoire lors de "marches pacifiques".
Dimanche, quatre personnes sont décédées dans la capitale économique Douala, lors de manifestations de soutien à l'opposant, a annoncé le gouverneur de la région du Littoral. Les forces de sécurité ont commencé par une salve de gaz lacrymogène avant de tirer "à balle réelle", selon des manifestants interrogés par l'AFP.
La participation s'est élevée à 46,31%, selon les résultats du Conseil constitutionnel proclamés 15 jours après le scrutin.
Cabral Libii, est arrivé troisième avec 3,41%, suivi de Bello Bouba Maïgari avec 2,45%, et Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya, la seule femme candidate, avec 1,66%.
Les huit autres candidats n'ont pas obtenus plus de 1% des suffrages.
Paul Biya est le deuxième chef d'État à diriger le Cameroun depuis son indépendance de la France en 1960, et a gouverné en réprimant toute opposition, survivant aux bouleversements économiques et à un conflit séparatiste depuis 2016 dans les deux régions anglophones du pays.
- "Résultats falsifiés" -
Les rassemblements ont été interdits et la circulation restreinte dans la plupart des grandes villes du pays jusqu'à l'annonce des résultats de cette élection à un tour.
A Garoua, fief de Tchiroma, "1.000 personnes" campent devant le domicile de M. Tchiroma, selon ce dernier.
"Je leur demande de rester dans le calme et de faire bouclier humain pour ma protection" a indiqué le candidat à l'AFP. "Mon corps vivant ne sortira pas de ma maison", a-t-il poursuivi.
Depuis la semaine dernière, des partisans d'Issa Tchiroma sont descendus sporadiquement dans la rue pour revendiquer la victoire au scrutin présidentiel.
Le candidat avait appelé mercredi dernier les Camerounais à manifester si le Conseil constitutionnel venait à proclamer des "résultats falsifiés et tronqués".
Aux premières heures de la matinée lundi, des patrouilles mixtes de police et de gendarmerie ont été postés aux principaux carrefours de la capitale Yaoundé, tandis que des véhicules blindés stationnent à proximité des zones jugés sensibles.
La police affirme vouloir "garantir la sécurité du processus électoral et prévenir tout débordement".
Dans plusieurs quartiers de Yaoundé, de nombreuses boutiques et stations-service ont gardé leurs rideaux baissés, par crainte de troubles. Les transports en commun fonctionnent au ralenti et la circulation y est inhabituellement fluide.
Today