Prise d'El-Fasher au Soudan: que sait-on des exactions perpétrées contre les civils?
 
                        Par Benjamin Beraud avec agences
 
 
Les accusations d'exactions massives sur les civils d'El-Fasher se sont amplifiées ce mardi 28 octobre. Le Humanitarian Research Lab de l'Université Yale (HRL) dénonce "un processus systématique et intentionnel de nettoyage ethnique."
 
 
Les accusations d'exactions massives sur les civils d'El-Fasher se sont amplifiées ce mardi 28 octobre. Le Humanitarian Research Lab de l'Université Yale (HRL) dénonce "un processus systématique et intentionnel de nettoyage ethnique."
 
En une vingtaine de secondes, un combattant abat un groupe de civils désarmés assis sur le sol. La vidéo authentifiée par l'AFP est l'une des nombreuses qui circule sur les réseaux sociaux depuis la prise de la ville el-Fasher, à l'ouest du Soudan, par les Forces de soutien rapide (FSR). Ces forces paramilitaires se sont insurgées il y a deux ans contre le pouvoir central d'Abdel Fattah al-Burhan et sèment la terreur depuis.
À (re)lire : Soudan : qui sont les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ?
Des "scènes choquantes" sont "filmées fièrement et sans honte par les auteurs eux-mêmes", souligne sur X le ministère soudanais des Affaires étrangères, aligné sur l'armée. "Traumatisés et blessés", les civils qui ont réussi à fuir "décrivent des scènes de génocide", selon un correspondant de l'AFP basé à Tawila, une ville refuge située à 70 kilomètres d'El-Fasher.
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Les Forces conjointes, alliées de l'armée, ont accusé ce mardi 28 octobre les Forces de soutien rapide (FSR) d'avoir exécuté "plus de 2 000 civils désarmés" les 26 et 27 octobre, "pour la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées".
Des "exécutions atroces" et des "violences sexuelles contre les femmes et les jeunes filles"
Dernier bastion de l'armée au Darfour, El-Fasher a été prise ce dimanche par les FSR après plus de 18 mois de siège meurtrier, leur ouvrant le contrôle total de cette vaste région couvrant le tiers du territoire du Soudan.
 
Quelque 177 000 civils se trouvaient encore dans la ville et ses environs, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Des centaines de personnes auraient été arrêtées alors qu'elles tentaient de fuir, dont le journaliste soudanais Muammar Ibrahim, suscitant des inquiétudes quant à sa sécurité et des appels à sa libération.
Ce mardi, le Haut commissariat aux Réfugiés de l'ONU a fait état de rapports d'"exécutions atroces" et de "violences sexuelles contre les femmes et les jeunes filles" commises "par des groupes armées pendant les assauts et sur les groupes en fuite".
"Un risque croissant d'atrocités motivées par des considérations ethniques"
Si certaines de ces exactions concernent d'anciens combattants, il y a aussi "des indices de motivations ethniques", assure l'ONU. Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme avait d'ailleurs alerté sur ce risque croissant en rappelant le passé du Darfour. La région avait fait l'objet au début des années 2000 de massacres les milices arabes Janjawid dont sont issues les FSR.
Le Humanitarian Research Lab de l'Université Yale (HRL), qui analyse des vidéos en open source et des images satellite, évoque quant à lui "un processus systématique et intentionnel de nettoyage ethnique des communautés indigènes non-arabes Fur, Zaghawa et Bartis, avec des déplacements forcés et des exécutions massives".
Le niveau de violences et leur nombre au Darfour dépasse tout ce que j'ai vu jusqu'à présent.
Nathaniel Raymond, le directeur du HRL
Des observations satellite sur des talus jonchés de corps en périphérie de la ville corroborent notamment les vidéos d'exécutions sommaires de civils tentant de fuir, selon le rapport publié lundi par le HRL.
"Le niveau de violences et leur nombre au Darfour dépasse tout ce que j'ai vu jusqu'à présent", a déclaré à l'AFP Nathaniel Raymond, le directeur du HRL. Cet enquêteur américain spécialisé depuis 25 ans sur les crimes de guerre souligne qu'avec les équipements aériens des FSR "personne ne peut se cacher car ils peuvent tout voir depuis le ciel".
"Le monde doit agir immédiatement pour mettre la pression maximale sur les FSR et leurs soutiens, notamment les Emirats arabes unis, pour que cessent les tueries", affirme le rapport du HRL.
Un "tournant" pour l'armée qui promet de se venger
La perte d'El-Fasher marque un "tournant" pour l'armée et montre que "la voie politique est la seule option pour mettre fin à la guerre", a pour sa part déclaré le conseiller présidentiel émirati Anwar Gargash sur X. Il appelle à ratifier le plan du groupe dit du "Quad" réunissant les Etats-Unis, l'Arabie saoudite, l'Egypte et les Emirats.
Ce plan prévoit la formation d'un gouvernement civil de transition en excluant à la fois le gouvernement pro-armée actuel et les FSR de la transition politique post-conflit. Ce que le pouvoir pro-armée refuse.
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Lundi, le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, a reconnu quant à lui la défaite de ses troupes à El-Fasher. Il promet "vengeance" et "victoire".
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