Les Ougandais s'inquiètent de l'arrivée annoncée des migrants refoulés des USA

KAMPALA, Ouganda (AP) — Des figures de l’opposition et d’autres voix en Ouganda ont critiqué mardi un accord conclu avec les États-Unis pour recevoir des migrants expulsés, mettant en cause l’absence d’approbation parlementaire et affirmant que cet accord allège la pression politique qui pèse sur le président autoritaire du pays.
Après avoir été confronté à des sanctions américaines visant de nombreux responsables gouvernementaux, dont la présidente du Parlement, le président ougandais Yoweri Museveni « sera heureux » de traiter avec Washington, a déclaré Ibrahim Ssemujju, député et figure de l’opposition. « Il demandera : ‘Quand est-ce que vous les amenez ?’ »
Les responsables ougandais ont donné peu de détails sur l’accord, indiquant toutefois qu’ils préféraient recevoir des expulsés d’origine africaine et qu’ils ne souhaitaient pas accueillir de personnes au casier judiciaire chargé. Le pays est toutefois présenté comme une destination possible pour le détenu très médiatisé Kilmar Abrego Garcia, un ressortissant salvadorien inculpé de trafic d’êtres humains.
Abrego Garcia, au centre d’une longue saga migratoire, a été arrêté lundi par les services d’immigration à Baltimore. Le Département de la Sécurité intérieure a déclaré dans un communiqué qu’il « est en cours de procédure d’expulsion vers l’Ouganda ».
Sans contrôle parlementaire, « tout le dispositif pue », a affirmé Mathias Mpuuga, récemment encore chef de l’opposition à l’Assemblée nationale ougandaise.
Il a ajouté que l’accord avec les États-Unis le laissait « un peu perplexe » alors que l’Ouganda peine déjà à prendre en charge les réfugiés fuyant les violences dans les pays voisins. Selon lui, l’accord ne s’explique que par une logique « d’opportunisme économique » de la part du gouvernement ougandais.
Il reste incertain de savoir ce que les autorités ougandaises obtiennent en retour pour accepter les expulsés.
Le procureur général de l’Ouganda, ainsi que les ministres en charge des réfugiés et des affaires intérieures, n’étaient pas immédiatement disponibles pour commenter. Okello Oryem, ministre adjoint chargé des relations internationales, a déclaré à l’AP qu’un tel accord relevait de « pures absurdités » — un jour avant que son secrétaire permanent ne confirme l’existence d’un accord prévoyant l’accueil de personnes « réticentes ou inquiètes à l’idée de retourner dans leur pays d’origine ».
Les négociateurs du côté ougandais auraient rendu compte directement à Museveni, dirigeant autoritaire au pouvoir dans ce pays d’Afrique de l’Est depuis 1986.
Pendant une grande partie de son mandat, Museveni a été perçu comme un allié solide des États-Unis, notamment pour son soutien aux opérations antiterroristes en Somalie, où il a déployé des troupes contre les rebelles d’al-Shabab liés à al-Qaida.
Mais son crédit à Washington a diminué ces dernières années. L’administration Biden a accentué la pression en raison de la corruption, des atteintes aux droits des personnes LGBTQ et d’autres violations des droits humains, avec une liste croissante de responsables ougandais sanctionnés. Outre Anita Among, présidente du Parlement et proche alliée de Museveni, figurent parmi les sanctionnés le chef actuel des prisons, un ancien chef de la police, un ancien commandant adjoint de l’armée et plusieurs ex-ministres.
En 2023, réagissant aux sanctions américaines qui ont suivi l’adoption d’une loi criminalisant l’homosexualité, Museveni avait déclaré à des responsables qu’il n’avait aucune envie de se rendre aux États-Unis.
Pour Museveni, l’accord avec Washington sur l’accueil des expulsés est souhaitable « pour des raisons politiques et peut-être économiques », a estimé Marlon Agaba, directeur d’un important groupe anticorruption en Ouganda.
Cet accord réduit la pression sur Museveni et pourrait s’accompagner d’opportunités commerciales, a ajouté Agaba, directeur exécutif de l’Anti-Corruption Coalition Uganda.
« L’administration Trump est axée sur les affaires, sur les transactions, et tout dirigeant autoritaire y trouverait son compte », a-t-il déclaré.
Ssemujju, le député d’opposition, estime que « la question devrait être traitée par le Parlement » et que l’accord est vicié en l’absence d’autorisation parlementaire.
En juillet, les États-Unis ont expulsé cinq hommes au passé criminel vers le royaume d’Eswatini, en Afrique australe, et en ont envoyé huit autres au Soudan du Sud. Le Rwanda a également annoncé qu’il accueillerait jusqu’à 250 migrants expulsés par les États-Unis.
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