À quand l'élan de la ZLECAf ? [Business Africa]
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Signé le 30 mai 2019, l’accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) devait révolutionner le commerce en Afrique, en créant un marché unifié de 1,3 milliard d’habitants et en générant 450 milliards de dollars de revenus supplémentaires d’ici 2035.
Pourtant, cinq ans après, la mise en œuvre reste lente. Seuls 46 des 55 pays ont ratifié l’accord et la suppression des droits de douane sur 90 % des produits n’est prévue que d’ici 2034.
Si quelques échanges ont déjà eu lieu sous ce régime, comme les exportations de certaines entreprises ghanéennes et sud-africaines en 2023, ces transactions restent marginales. En cause : des défis structurels, logistiques et politiques qui entravent le développement du commerce intra-africain.
Des inégalités de développement ignorées
Pour Africa Kiiza, analyste des politiques commerciales et auteur du rapport "Assessing Five Years of the African Continental Free Trade Area (AfCFTA): Proposals on Potential Amendments", la ZLECAf repose sur une hypothèse trop simpliste : "L’idée que la libéralisation et la suppression des tarifs douaniers vont automatiquement augmenter le commerce est erronée. Il faut d’abord surmonter les défis liés à la production pour réellement faciliter les échanges."
En effet, même lorsque des biens sont fabriqués, leur transport reste un défi majeur. "Nous ne disposons que de 0,1 % de connexions ferroviaires intra-africaines", souligne l’analyste. "Or, sans infrastructures adaptées, il est impossible de fluidifier les échanges."
Un autre problème réside dans les écarts de développement entre les pays. "On demande au Burundi d’ouvrir son marché à 97 %, soit au même niveau que le Nigeria, dont l’économie pèse 700 milliards de dollars. Cela n’a tout simplement pas de sens." Selon Kiiza, il est impératif d’adapter les engagements des pays en fonction de leurs réalités économiques afin d’éviter de creuser davantage les inégalités.
Une intégration freinée par des accords extérieurs
Outre les infrastructures insuffisantes, un autre obstacle majeur à la mise en œuvre de la ZLECAf réside dans la stratégie commerciale des États africains eux-mêmes. "En 2018, les États membres ont décidé qu’aucun pays ne devait conclure d’accord de libre-échange avec un pays tiers avant la mise en œuvre effective de la ZLECAf", rappelle Kiiza.
Or, dans la pratique, plusieurs pays continuent de favoriser le commerce avec des puissances extérieures comme le Royaume-Uni, les États-Unis ou les Émirats arabes unis. "Nous devons d’abord faire en sorte que les blocs économiques régionaux fonctionnent correctement avant d’ouvrir davantage nos marchés aux pays extérieurs", insiste l’analyste.
Une connectivité insuffisante qui allonge les délais
Le commerce intra-africain souffre également d’un problème de connectivité. "98 % des lignes maritimes qui desservent l’Afrique appartiennent à des entreprises étrangères", explique Kiiza. Cette dépendance a des conséquences directes sur la fluidité des échanges.
Un exemple marquant illustre cette problématique : "Une cargaison en provenance du Kenya, dans le cadre de la ZLECAf, a dû transiter par Singapour et Dubaï avant d’être acheminée vers Tema, au Ghana. Résultat : des délais de livraison qui peuvent aller jusqu’à six mois pour certains envois intra-africains."
Selon lui, il faudra "au moins dix ans" pour mettre en place des infrastructures adaptées. Mais pour cela, il est crucial que les États africains s’engagent à investir davantage : "Ce doit être une priorité politique, soutenue par des ressources provenant des budgets nationaux et de financements dédiés."
Un avenir incertain malgré un fort potentiel
La ZLECAf reste une initiative ambitieuse qui pourrait transformer le commerce africain. Mais son succès dépendra de la capacité des États à relever ces défis structurels et à donner la priorité à l’intégration régionale. "Sans infrastructures solides, une politique commerciale cohérente et un engagement ferme des gouvernements, la ZLECAf risque de rester une promesse inachevée plutôt qu’un moteur réel de croissance pour l’Afrique", conclut Africa Kiiza.
Seconde main au Kenya : une industrie florissante, mais sous pression
Le commerce de vêtements de seconde main au Kenya génère des milliards et emploie des millions de personnes, faisant du pays le premier importateur africain. Pourtant, cette industrie florissante est confrontée à des défis réglementaires et environnementaux croissants.
Entre opportunités économiques et incertitudes, son avenir reste en jeu. Son développement soulève des débats sur son impact local et sa durabilité à long terme.
Un nouvel axe commercial clé entre Cameroun et le Tchad
La construction du pont Yagoua-Bongor marque un tournant pour le commerce entre le Cameroun et le Tchad, facilitant le transport de marchandises et réduisant les risques liés aux traversées en pirogue. Ce projet de 37 milliards de FCFA devrait fluidifier les échanges régionaux, dont 80 % des importations et exportations tchadiennes qui passent par le Cameroun. Mais si les commerçants se réjouissent, les piroguiers, eux, redoutent la fin de leur activité et la disparition de leurs emplois.
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