Blocus, pénurie de carburants, attaques... Au Mali, quels sont vraiment les objectifs des djihadistes du JNIM?
Par Séraphine Charpentier
Depuis septembre, les djihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM) asphyxient l'ouest du Mali et la capitale Bamako. Mais ont-ils les moyens, où même la volonté de s'emparer complètement du pouvoir? "Ce n’est pas leur objectif principal", détaille l'un des chercheurs interrogés par TV5MONDE.
Depuis septembre, les djihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM) asphyxient l'ouest du Mali et la capitale Bamako. Mais ont-ils les moyens, où même la volonté de s'emparer complètement du pouvoir? "Ce n’est pas leur objectif principal", détaille l'un des chercheurs interrogés par TV5MONDE.
Depuis septembre, le groupe affilié à Al-Qaida opère une stratégie d'asphyxie économique redoutable au Mali. Les principaux axes routiers et commerciaux reliant le Sénégal, la Mauritanie et le Mali sont contrôlés et bloqués par les membres du JNIM. La capitale, Bamako, est sous le coup d'une pénurie de carburants, comme d'autres villes dans le pays. La ville de Mopti et ses 560 000 habitants survivent eux sans électricité, et ils ne sont pas les seuls.
Dans le pays, des camions-citernes sont régulièrement incendiés. Les villes de Kayes et de Nioro, au nord, sont totalement bloquées. Une façon pour le JNIM, les djihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, de punir la supposée collaboration de la population avec les forces armées officielles dans la lutte contre le terrorisme.
Un gouvernement "désemparé"?
Face aux diverses attaques dirigées contre les camions-citernes et dans l'objectif de briser les barrages, les autorités ont tenté de contre-attaquer dès septembre. Renforcement de la sécurité sur les voies de transports et les routes stratégiques, escorte des convois, opération aérienne dans le nord-ouest du pays... Mais les attaques continuent.
"Face à ces blocus, le gouvernement semble complètement en déroute, désemparé par la situation. Cela fait plusieurs semaines qu'il n'y a pas eu de solutions concrètes pour lever le blocus sur Bamako. Et l'escorte des camions-citernes peut être considérée simplement comme une solution palliative. La sécurisation des convois depuis le port de Dakar vers la capitale malienne est impossible", analyse pour TV5MONDE Oumar Berté, chercheur associé à l'Université de Rouen en politique et droit public.
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Mercredi 5 novembre, l'APS, l'agence de presse sénégalaise, a rapporté la visite d'une délégation de l'armée malienne au Sénégal, reçue par le ministre des forces armées.
"Ni dans la doctrine ni dans les capacités actuelles du JNIM"
Face à ce qui pourrait être lu comme un aveu de faiblesse de la part du gouvernement malien, et face à un blocus très efficace, quelles sont réellement les revendications du JNIM et souhaite-t-il s'emparer du pouvoir en place à Bamako?
Pour Oumar Berté, "le JNIM tente depuis peu de renverser le pouvoir sur place par tous les moyens", ce qui n'était pas dans les aspirations de départ du groupe djihadiste, selon le chercheur. Il observe que le "clivage conséquent" au sein de la population malienne est actuellement utilisé par le JNIM pour "pousser la population contre le régime politique en place, pour le renverser".
"Il y a beaucoup d’aspects qui doivent inciter à la prudence sur l’imminence d’un assaut frontal sur Bamako. À mon avis, un tel assaut n'est ni dans la doctrine ni dans les capacités actuelles du JNIM. Et ce n’est pas non plus son objectif principal", tempère de son côté Bakary Sambé, directeur du Timbuktu institute - African center for peace studies.
"Une guerre d'usure économique et politique"
Le directeur du Timbuktu institute identifie un "étouffement stratégique" et une "guerre d'usure économique et politique" menée par le JNIM, exposant la "carence de l'état à assurer la sécurité" et qui "délégitime" le régime militaire. En revanche, il rejette l'idée d'une bataille conventionnelle.
"Même si le JNIM parvenait à entrer dans Bamako, il ne pourrait pas gouverner seul. Le fort des djihadistes n’est pas de gouverner une ville, d’amener l’eau, l’électricité et les services aux personnes", commente Bakary Sambé.
"Le but visé est de fragiliser et faire tomber le régime à Bamako. Dans le but de mieux se positionner comme étant une force politique alternative car le JNIM est déjà dans la logique de se montrer comme une force alternative. Ils essaient de sortir du mouvement insurrectionnel et d’embarquer maintenant toutes les composantes du Mali. Dans le but d’accéder au pouvoir, pour pouvoir gérer une parcelle de ce pouvoir", analyse-t-il.
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