Des combattants des Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan utiliseraient des fusils fabriqués au Canada, selon une enquête de CBC
Par Benjamin Beraud
Face aux atrocités commises par les Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan, la question de la responsabilité de ceux qui les arment se pose, notamment parmi les pays occidentaux. Une nouvelle enquête de CBC publiée le 7 novembre pointe cette fois-ci le lien avec une entreprise canadienne.
Face aux atrocités commises par les Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan, la question de la responsabilité de ceux qui les arment se pose, notamment parmi les pays occidentaux. Une nouvelle enquête de CBC publiée le 7 novembre pointe cette fois-ci le lien avec une entreprise canadienne.
Des armes portant le logo d'un fabricant canadien auraient été identifiées entre les mains des Forces de soutien rapide (FSR). C’est ce que rapporte une analyse réalisée par l'unité d'investigation visuelle de la chaîne canadienne CBC et publiée ce vendredi 7 novembre.
Le groupe paramilitaire soudanais est accusé d’avoir commis des exactions en masse contre des civils au Soudan, notamment pendant la prise de la ville d’El-Fasher les 25 et 26 octobre derniers. Selon les analyses d'images satellitaires et de vidéos sur les réseaux sociaux, ils auraient exécuté au moins "2 000 civils désarmés", "pour la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées." Mais ce chiffre pourrait être bien plus important.
À (re)lire : Massacres d'El-Fasher au Soudan : comment des chercheurs tentent d'établir un bilan humain avec les images satellites
Des médias et des associations de défense de droits humains pointent du doigt la complicité des Émirats arabes unis. Le journal Le Monde affirme notamment qu'Abou Dhabi a orchestré un pont aérien permettant de livrer à son partenaire soudanais de l’armement de pointe. Mais plusieurs analystes s’attaquent aussi à la responsabilité implicite des États occidentaux.
“Nous collectons des images et des vidéos publiées principalement sur Facebook ou TikTok des FSR”
L’enquête de CBC concerne le fabricant de fusils de précision canadien "Serling Cross Defense Systems" basé à Abbotsford, en Colombie-Britannique, une province à l’ouest du Canada. Elle s'appuie sur le travail sur plusieurs années de groupes de recherche spécialisés, comme Streaking Delilah.
Sur leur compte Instagram, les chercheurs de Streaking Delilah analysent des centaines d’images et de vidéos de combattants à travers le monde pour retrouver l’origine des armes utilisées. Ils s'appuient sur une combinaison d'outils et de ressources différentes, tout en développant des contacts “sur le terrain."
Contacté par TV5MONDE, le gestionnaire du compte de la page de Streaking Delilah précise que, en ce qui concerne les Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan, les chercheurs collectent “ des images et des vidéos publiées principalement sur Facebook ou TikTok (chaque pays et chaque conflit a une préférence différente en matière de plateformes de réseaux sociaux)”.
Et d’ajouter : “Nous suivons le conflit au Soudan depuis son déclenchement en avril 2023 et avons depuis identifié un vaste ensemble de comptes sur les réseaux sociaux (tant FSR que SAF [l'armée soudanaise, NDLR]) qui publient des images et des vidéos montrant parfois des armes rares ou peu courantes, telles que des drones chinois, des fusils de précision canadiens, des canons anti-drones chinois et même des fusils sud-coréens (entre autres).”
Des fusils à verrou appelé "XLCR" fabriqués par "Sterling Cross Defense Systems"
Grâce à ces méthodes, ils ont aperçu à plusieurs dizaines de reprises aux mains des FSR des fusils à verrou appelé "XLCR" fabriqués par "Sterling Cross Defense Systems."
L'unité d'investigation visuelle de la chaîne canadienne CBC a ensuite vérifié chacune de ces images en les localisant et en comparant les motifs du logo de l’entreprise avec les armes des FSR. À titre d'exemple, sur cette image, publiée le 5 octobre 2024 sur la chaîne Telegram des FSR pendant la bataille de la capitale soudanaise, on voit l'un des combattants portant un fusil à l'épaule, dont le logo correspondrait à celui de l'entreprise “Sterling Cross.”
Pour CBC, le lien entre les armes fabriquées par l'entreprise et celles que possèdent ces miliciens semble établi. Mais rien n'indique cependant par quel biais les FSR auraient récupéré ces armes.
"Sterling Cross" n'a pas répondu à CBC aux questions spécifiques concernant les conclusions de l’enquête : “Je peux vous assurer que les politiques de "Sterling Cross" sont conformes à celles d'Affaires mondiales Canada”, a déclaré Aimee Byrne à CBC, directrice des opérations de "Sterling Cross", dans un communiqué, ajoutant que l'entreprise est soumise à la Loi sur les licences d'exportation et d'importation.
Il assure : “Si ces lois sont enfreintes, nous veillerons à ce que les responsables subissent des conséquences juridiques pouvant inclure des amendes, la saisie de marchandises et des poursuites pénales."