COP30 à Belém: navires de croisière, love motels… Des solutions controversées pour loger les délégations
Par TV5MONDE
Faute d’infrastructures suffisantes à Belém, au Brésil, deux paquebots de croisière et des établissements insolites accueillent les 50.000 participants de la COP30 qui s'est ouverte ce lundi 10 novembre. Une logistique inédite, symbole d’un sommet marqué par les polémiques sur les coûts et l’impact environnemental.
Faute d’infrastructures suffisantes à Belém, au Brésil, deux paquebots de croisière et des établissements insolites accueillent les 50.000 participants de la COP30 qui s'est ouverte ce lundi 10 novembre. Une logistique inédite, symbole d’un sommet marqué par les polémiques sur les coûts et l’impact environnemental.
Pas de place à l’hôtel en centre-ville? Direction le port fluvial d’Outeiro, à Belém, pour dormir dans une cabine à bord de l’un des deux paquebots affrétés afin de pallier le manque d’hébergement pour la COP30, la conférence des Nations unies sur le climat. Quelque 50.000 visiteurs sont attendus pour l’événement, et ces navires peuvent accueillir jusqu’à 6.000 personnes, selon les chiffres fournis par les organisateurs.
L’Agence France-Presse a rencontré ce week-end plusieurs délégués au moment de leur embarquement. Certains ont trouvé les cabines étroites et se sont plaints de la distance séparant le port du site de la conférence, environ 20 kilomètres, soit 45 minutes de bus. D’autres, au contraire, se réjouissent de cette expérience inédite.
“Dans la plupart des pays, nous logeons dans des hôtels ou des appartements”, explique à l’AFP Bereng Mokete, responsable du département des Forêts du Lesotho, avant de monter à bord. “On voulait quelque chose de différent”, ajoute-t-il, espérant vivre une expérience “inoubliable”.
Des paquebots géants venus d’Europe
Selon le communiqué officiel de la COP30, les deux bateaux affrétés sont le MSC Seaview et le Costa Diadema, partis d’Italie, capables d’héberger environ 6.000 personnes. Le gouvernement brésilien affirme que Belém dispose d’une capacité totale de 53.000 lits, incluant hôtels, logements privés, et hébergements alternatifs, un chiffre supérieur au nombre de participants attendus.
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Une “task force” dédiée a été créée pour assister les délégations sur les questions d’hébergement, de santé, de transport et de sécurité. Des tarifs plafonnés entre 100 et 200 dollars ont été réservés aux pays les plus pauvres.
"Aucun autre moyen de transport n'est aussi polluant”
Les travaux de rénovation du port d’Outeiro pour accueillir ces bateaux venus d’Europe ont été salués par certains habitants. Mais pour les écologistes, la symbolique est dérangeante: voir des navires de croisière, gros consommateurs de carburant et émetteurs de carbone, servir à héberger les participants d’une conférence dédiée à la lutte contre le réchauffement climatique.
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D’après le magazine Géo, Thiago Marinho Pereira, ingénieur à l’Université fédérale de l’Ouest du Pará, estime qu'“aucun autre moyen de transport n'est aussi polluant par personne que le transport maritime”. Même à l’arrêt, ces navires doivent maintenir leurs systèmes électriques et de traitement des eaux, générant environ 300 kilogrammes de carbone par personne et par jour, soit l’équivalent d’un aller-retour Paris-Marseille en avion, selon le calculateur de l’ADEME cité par Géo.
Lula défend son choix, mais résidera sur un yacht
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a tenu à organiser la COP30 en Amazonie, région clé dans l’absorption des gaz à effet de serre. Face aux critiques sur le manque d’infrastructures, il a rétorqué que les mécontents n'avaient qu'à “dormir à la belle étoile”.
(Re)lire COP30 à Belém: comment le Canada a "changé de cap" dans sa lutte contre les changements climatiques
Le chef de l’État logera à bord du “Iana III”, un mégayacht de trois étages long de 45 mètres, qui consommerait plus de 4.000 litres de carburant pour un aller-retour entre Manaus et Belém, selon le média Poder 360. Une fois amarré, le navire sera connecté au réseau électrique local pour éviter de maintenir ses moteurs en marche.
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Une ville aux infrastructures limitées
Belém, ville de 1,4 million d’habitants, fait face à un manque chronique d’infrastructures: plus de la moitié de la population vit dans des favelas. Face à la pénurie de chambres, les organisateurs ont cherché des solutions d’hébergement alternatives — chez l’habitant, dans des universités, des écoles… sur ces paquebots et même dans des "love motels".
Selon le New York Times, la ville compte environ 2.500 chambres de “love motels”, ces établissements à la location horaire, dont plusieurs ont été réaménagés pour accueillir des délégués : lits superposés ajoutés, éléments érotiques retirés, réception installée et même changement de nom.
Certaines ambassades et délégations hésitent à y séjourner, jugeant l’image trop suggestive. Les prix y ont grimpé jusqu’à 300 à 650 dollars la nuit, tandis qu’un hôtel trois étoiles face au centre de conférence affiche des chambres à 1 250 dollars, rapporte le New York Times.
Des prix qui font scandale
Selon La Repubblica, la flambée des prix à Belém a provoqué une vive controverse: certaines locations privées atteignent jusqu’à 400.000 euros pour 18 nuits, soit plus de 22.000 euros la nuit. Le quotidien italien rapporte que des délégations d’Afrique et du Pacifique ont menacé de boycotter la conférence si les tarifs ne baissent pas, jugeant ces montants “astronomiques”.
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Face à ces menaces, les autorités brésiliennes ont promis de nouvelles solutions, comme la reconversion d’écoles, de casernes et l’utilisation de bateaux fluviaux, selon La Repubblica. Le gouvernement a même mis en garde les hôteliers contre la spéculation, allant jusqu’à évoquer un possible transfert du sommet à Rio si la situation ne s’améliore pas.
Des infrastructures promises à un “héritage durable”
233 millions de reais (environ 38 millions d’euros) ont été investis pour allonger le quai du port d’Outeiro de 261 à 716 mètres, afin de le rendre “adapté à l’accueil des navires de croisière”. Les autorités mettent également en avant un “pont à accès rapide” inauguré en octobre, selon Géo, qui permet de réduire le trajet entre Outeiro et le centre de Belém à 30 minutes, contre presque le double auparavant.
Toujours selon Géo, les autorités mettent en avant la réutilisation des infrastructures pour le “développement économique, social et touristique de la région”, et assurent s'engager en faveur de “pratiques durables” telles que la compensation des émissions de carbone, l'utilisation d'énergies renouvelables et la promotion d'une économie circulaire.
Entre luxe et contradictions
“C’est une bonne expérience, je n’avais jamais été à bord de ce genre de bateau”, raconte José Santoro, employé chargé de la logistique de la conférence. “Les toilettes sont un peu trop petites, mais la cabine est confortable, il y a l’eau chaude et internet marche bien”, décrit-il.
En sortant de sa cabine, il confie être impressionné par le luxe des restaurants et de la piscine. Les casinos, en revanche, restent fermés :“Je pense qu’ils ne veulent pas que les gens restent là à s’amuser, car l’objectif de la COP est plus important”, estime-t-il.