Le déclin des jeunes agriculteurs, un risque pour la sécurité alimentaire en Europe
Matteo, 23 ans, espère un jour reprendre les rennes de la ferme familiale. Une exploitation en polyculture-élevage d'une quarantaine de vaches laitières, située à Dion-le-Mont, en Belgique, non loin de Bruxelles.
"On a ça dans le sang", assure Matteo Godfriaux.
Ce passionné prévoit d'être "aidant" durant deux ans, un statut lui permettant de se former sur le terrain et de maximiser ses chances d'avoir accès à des aides financières, nécessaires à la reprise de l'exploitation.
"Quand vous avez 23 ans et que vous voulez reprendre une ferme, je ne pense pas que la banque soit d'accord de vous laisser un prêt d'un million à un 1,5 million d'euros, si pas plus, pour reprendre une ferme, qui est en soit pas réellement rentable", déclare Matteo à Euronews.
Outre la transmission des fermes, les jeunes agriculteurs se heurtent à un difficile accès à la terre.
"On parle d'un hectare à 100 000 euros pour produire une céréale à 150 euros/tonne et je ne fais que 10 tonnes par an sur un hectare. 1 500 par an pour rembourser 100 000, c'est chaud quand même, quand il y a les tracteurs et tout le reste des traitements à payer", détaille Matteo.
Nouvelle génération
Seuls 12% des agriculteurs ont moins de 40 ans dans l'UE. La moyenne d'âge est de 57 ans. Ce vieillissement présente un risque pour la sécurité alimentaire, alerte la Commission européenne.
Aussi celle-ci a présenté le 21 octobre dernier une stratégie pour soutenir le "renouvellement générationnel" dans l'agriculture.
Le défi est de taille : la Commission s'est fixé comme objectif de doubler la proportion de jeunes agriculteurs dans l'UE d'ici 2040 pour atteindre 24%.
Elle propose notamment d'inclure dans la prochaine politique agricole commune (PAC) un "pack de démarrage" pouvant atteindre 300 000 euros pour aider les jeunes agriculteurs à se lancer.
La Commission recommande également aux pays européens de consacrer au moins 6% de leurs dépenses agricoles à des mesures destinées à soutenir les jeunes agriculteurs.
Parmi les autres mesures figurent l'ouverture aux agriculteurs du programme Eramus pour jeunes entrepreneurs et la création d'un observatoire foncier européen afin de favoriser l'accès aux terres, soutenir les transmissions de fermes et prévenir la spéculation foncière.
Enfin, l'UE veut créer des services de remplacement agricoles en cas de congés ou d'arrêt maladie des agriculteurs. Un service qui existe déjà en Belgique, affirme Matteo.
Par ailleurs, l'UE note que la diversification des activités agricoles via l'agritourisme, la transformation à la ferme et la bioénergie pourraient élargir les sources de revenus des agriculteurs.
"La transformation, c'est bien. Mais c'est encore du boulot en plus quand les journées sont déjà chargées", estime Matteo. Sa famille transforme notamment le lait de l'exploitation en yaourts, glaces et autres produits laitiers.
En revanche, au sujet de la bioénergie, l'agriculteur n'envisage pas de transformer ses cultures de maïs en biocarburants.
"Écologiquement, je ne vois pas trop le sens de faire ça, quand je pourrais mettre une céréale ou un autre produit qui est plus destiné à l'alimentation humaine", estime-t-il.
Des prix justes
Pour Matteo, la meilleure façon d'encourager les jeunes à se lancer, ou à rester, dans l'agriculture est de garantir des prix justes.
"On revient au même : les prix. Le débat sera clôt. On sera payé comme il faut, ça va remotiver les gens. C'est parce que nous on est tout le temps dedans et qu'on est passionné. Mais produire un lait à 40 centimes, alors qu'il nous en coûte 50, va motiver quelqu'un pour le faire", déclare-t-il.
"De mon grand-père, à mon père, à moi, on est payé au même prix du lait quasiment. Et le tracteur, il a fait x4", ajoute-t-il.
Les consommateurs ont selon lui un rôle important à jouer en favorisant les produits locaux.
"Si on mange belge, on va favoriser les produits belges, les produits belges vont être mieux payés (...) ça va faire ricochet et normalement ça devrait aller un peu mieux", espère-t-il.