Défense : sans présenter de nouvelles sources de financement, Bruxelles dévoile un plan très attendu

Cela pourrait être un "moment charnière" pour l'Union européenne, de l'aveu de Kaja Kallas, responsable des Affaires étrangères de l'UE. Ce mercredi 19 mars, la Commission européenne a publié son très attendu "livre blanc", reprenant, dans les grandes lignes, la proposition ReArm Europe de la Commission dévoilée au début du mois de mars.
Elle doit désormais adopter une myriade de textes qui permettront aux États membres de mobiliser jusqu'à 800 milliards d'euros pour le secteur de la Défense au cours des quatre prochaines années. In fine, l'objectif est de regrouper les commandes et acheter des équipements en commun.
"La valeur ajoutée que nous apportons en travaillant ensemble est inestimable. Elle nous donne un avantage concurrentiel inégalé dans le monde", a insisté Kaja Kallas.
1,5 % du PIB supplémentaires dans la Défense
La principale force de frappe financière des États membres provient de l'activation de la clause de sauvegarde nationale du pacte de stabilité et de croissance, qui leur permettrait de s'écarter des règles budgétaires strictes de l'UE qui limitent les niveaux d'endettement et de déficit, respectivement à 3 % et 60 % du PIB.
Il faut désormais que les 27 États membres demandent à activer cette clause avant ou au cours du mois d'avril. C'est ce qu'espère ce fonctionnaire de la Commission, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat. L'institution européenne devra alors évaluer la demande, mais "nous espérons que le processus pourra être conclu avant les vacances d'été", a-t-il déclaré.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a déclaré qu'en autorisant les États membres à consacrer 1,5 % de plus de leur PIB à la défense au cours des quatre prochaines années, ils devraient être en mesure d'investir quelque 650 milliards d'euros dans ce secteur.
Mais un autre fonctionnaire de l'UE, ayant également souhaité garder son anonymat, affirme espérer "que le résultat final soit encore plus élevé".
Plusieurs priorités
Les 150 autres milliards d'euros pourraient provenir du SAFE, autre principale option de financement, que la Commission souhaite mettre en place rapidement afin de lever des fonds sur les marchés des capitaux. Les gouvernements devront alors soumettre des demandes de financements dans un délai de six mois.
Cependant, les négociations entre les États membres et la Commission devront être rapides, car l'argent sera accordé sous forme de prêts que les États membres devront rembourser, explique ce même fonctionnaire.
Trois autres possibilités, présentées dans ReArm Europe, existent et permettront aux États membres d'investir davantage dans leur défense : l'élargissement du mandat de la Banque centrale européenne, l'autorisation d'utiliser les fonds de cohésion dans les projets de défense et l'autorisation d'utiliser l'épargne et le financement privé dans le secteur.
Les capacités que la Commission a identifiées comme prioritaires comprennent la défense aérienne et antimissile, les systèmes d'artillerie, les munitions et les missiles, les drones et les systèmes de lutte contre les drones, l'IA, Quantum, la cyberguerre et la guerre électronique, ainsi que les catalyseurs stratégiques.
Un manque de solutions de financement ?
Néanmoins, le "livre blanc" de la Commission européenne omet largement de présenter des possibilités de financement novatrices et communes. La seule nouvelle option financière décrite est la possibilité, pour les États membres, de renoncer à la TVA pour les achats qu'ils effectuent conjointement, par le biais de l'instrument SAFE. Le montant exact des économies n'est pas encore connu.
L'un des fonctionnaires de la Commission a défendu l'absence de nouvelles options de financement, déclarant que ReArm "est déjà une réponse considérable à la question de savoir comment nous pouvons aider les États membres" et que ce qui est inclus "n'épuise pas nécessairement le champ de ce débat".
Les dirigeants européens devraient revenir sur la question lors d'un sommet en juin. Certains, comme le Français Emmanuel Macron, ont, par exemple, appelé à l'utilisation d'euro-obligations ainsi qu'au déploiement de ressources propres, telles qu'une taxe numérique. Il semble avoir convaincu la Commission, qui a inclus une préférence européenne qui exigerait que l'équipement acheté ait 65 % de son contenu émanant de l'UE. Le fabricant européen devra également avoir le pouvoir de conception sur les 35 % restants, afin de s'assurer qu'aucun pays tiers ne puisse bloquer l'utilisation de l'équipement à l'avenir.
"Faire peur à Poutine"
Parmi les autres propositions phares du "livre blanc" figure un mécanisme européen de vente de matériel militaire qui permettrait aux États membres de regrouper les demandes et d'acquérir, conjointement, des équipements. Une feuille de route technologique européenne en matière d'armement, destinée à stimuler les investissements dans les technologies de rupture à des fins militaires, notamment l'IA et la technologie quantique, est également pensé.
Enfin, la Commission propose de créer des stocks stratégiques et des pools de préparation industrielle en matière de défense. Selon l'un des fonctionnaires, cette création sera facilitée par le règlement tant attendu du programme européen pour l'industrie de la défense (EDIP), qui devrait inclure la possibilité de soutenir financièrement la constitution de stocks.
Le Parlement européen a déclaré la semaine dernière qu'il s'efforcerait d'accélérer l'adoption du règlement.
Selon un fonctionnaire de la Commission européenne, l'objectif du stockage des capacités militaires est de "pouvoir être plus agiles et plus réactifs en cas de crise".
Le commissaire à la Défense, Andrius Kubilius, a déclaré que le "livre blanc" était "le début d'un chemin" et que la priorité de l'exécutif de l'UE était désormais "sa mise en œuvre". "Vladimir Poutine ne sera pas découragé si nous lui lisons le "livre blanc". Il sera dissuadé si nous le transformons en action et si nous l'utilisons pour construire de véritables drones, chars et pièces d'artillerie pour notre défense", a-t-il ajouté.
Yesterday