"Poutine m'a vraiment laissé tomber": comment Donald Trump s'est retrouvé dans l'impasse face à la guerre en Ukraine

Par Antoine Joubeau


Donald Trump avait promis de "régler la guerre en Ukraine en 24 heures" en 2023. Mais depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, aucun accord de paix ou avancées diplomatiques majeures n'ont été obtenus, malgré des ultimatums et des sommets en grande pompe. Au contraire, la Russie intensifie ses attaques en Ukraine. Le président a même estimé ce jeudi 18 septembre que Vladimir Poutine l'a "vraiment laissé tomber".

Donald Trump avait promis de "régler la guerre en Ukraine en 24 heures" en 2023. Mais depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, aucun accord de paix ou avancées diplomatiques majeures n'ont été obtenus, malgré des ultimatums et des sommets en grande pompe. Au contraire, la Russie intensifie ses attaques en Ukraine. Le président a même estimé ce jeudi 18 septembre que Vladimir Poutine l'a "vraiment laissé tomber".
“Avant même mon arrivée dans le Bureau ovale, j’aurai réglé la guerre désastreuse entre la Russie et l’Ukraine”, avait déclaré Donald Trump le 4 mars 2023, lors de sa campagne pour l'élection présidentielle aux États-Unis, avant d’ajouter: “Cela ne me prendra pas plus d'une journée. Je sais exactement quoi dire à chacun d’eux”.
Une promesse répétée plusieurs fois: en mai 2023, lors d'un débat télévisé, Donald Trump insiste: “Les Russes et les Ukrainiens meurent. Je veux qu'ils arrêtent de mourir. Et je ferai en sorte que cela se fasse en 24 heures”.
Mais une fois au pouvoir, le ton change et le président américain semble reconnaître qu'une paix équitable semble plus difficile à obtenir qu'il ne le pensait. Le 14 mars 2025, quelques semaines après son investiture en janvier 2025, le président américain déclare: “J’étais un peu sarcastique quand j'ai dit ça. En fait, ce que je veux dire, c'est que j'aimerais régler ça, et je pense que j'y arriverai”.
19 février 2025: Volodymyr Zelensky qualifié de “dictateur sans élection”
Dès son arrivée à la Maison-Blanche en janvier 2025, Donald Trump affiche la volonté de concrétiser rapidement ses promesses de paix. En janvier, son conseiller spécial en Ukraine et Russie, le général Keith Kellogg, évoque un plan visant à obtenir un accord de paix en 100 jours. L'objectif est ambitieux: la guerre doit être terminée d'ici fin avril.
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C'est dans ce délai que le président américain échange pour la première fois avec Vladimir Poutine, le 12 février par téléphone, pendant plus d'une heure. Juste après, il appelle aussi Volodymyr Zelensky. Donald Trump se montre optimiste, déclarant qu'il pense être “en bonne voie pour obtenir la paix”.
Mais cette discussion avec Vladimir Poutine durcit le ton de Washington à l’égard de Kiev. Quelques jours plus tard, le 19 février 2025, Donald Trump publie sur son réseau social un message virulent où il qualifie le président ukrainien de “dictateur sans élection”.
Donald Trump laisse même entendre que l’Ukraine porterait une part de responsabilité dans la poursuite du conflit, en reprochant à Volodymyr Zelensky de ne pas avoir “conclu un accord” plus tôt et d’avoir “laissé la guerre démarrer”.
28 février 2025: Volodymyr Zelensky humilié à la Maison blanche
Le premier grand rendez-vous avec l'Ukraine tourne au fiasco et au pugilat. Le 28 février, Volodymyr Zelensky est reçu à Washington. Ce qui devait être une rencontre pour sceller un accord-cadre sur les minerais, hydrocarbures et infrastructuresukrainiens se transforme en confrontation diplomatique. Donald Trump et son vice-président J. D. Vance accusent le président ukrainien de “jouer avec la Troisième Guerre mondiale”. Zelensky se défend : "Je ne joue pas… Je suis un président en guerre!”
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L’entretien se termine abruptement, la conférence de presse est annulée, et l'accord prévu n’est pas signé. Pour de nombreux observateurs, c'est une humiliation publique pour le chef d'État ukrainien. Le 3 mars, la Maison-Blanche annonce une pause dans les livraisons d’armes à l'Ukraine, officiellement pour “s’assurer qu’elles contribuent à une solution” et pour faire pression sur Volodymyr Zelensky afin qu'il s’engage “de bonne foi” dans le processus de paix.
26 avril 2025: Donald Trump et Volodymyr Zelensky renouent à Rome
Donald Trump et Volodymyr Zelensky se rencontrent à Rome le 26 avril, à l'occasion des funérailles du pape François. L'entretien est qualifié par la Maison-Blanche de “très productif”. Dans la nuit, sur son réseau social Truth, le président américain avait assuré que la Russie et l'Ukraine étaient “très proches d'un accord”.
Mais cela fait suite à un échec pour Washington: le délai des 100 jours expire sans aucun accord. L'objectif fixé par l’émissaire Ketih Kellogg est manqué. Conscient de cet échec, le camp Trump commence dès lors à parler de “revoir son approche”.
(Re)lire Volodymyr Zelensky a rencontré Donald Trump en marge des funérailles du pape
Le conseiller à la Sécurité nationale Mike Waltz et le secrétaire d’État Marco Rubio laissent entendre fin avril qu’il faudra décider bientôt si l’effort de paix peut aboutir ou s’il faut “passer à autre chose”, car “ce n’est pas notre guerre” et les États-Unis ont “d'autres priorités”.
Un cessez-le-feu de trente jours sur le front ukrainien, afin de geler les combats, avait toutefois été proposé en mars mais l’initiative n’avait jamais abouti. Seule accalmie sur le terrain: une trêve unilatérale de 30 heures annoncée par Vladimir Poutine pendant le week-end de Pâques. Mais celle-ci sera violée "près de 3.000 fois" par les forces du Kremlin, selon Kiev.
14 juillet 2025: Donald Trump hausse le ton et fixe un ultimatum à la Russie
Face à l’enlisement, Donald Trump change de méthode. Début juillet, il fixe un ultimatum de 50 jours à Vladimir Poutine pour mettre fin à l'offensive. Il menace d'imposer des “tarifs douaniers sévères” sur les exportations russes si aucune avancée vers la paix n'est réalisée d’ici début septembre 2025.
(Re)lire Ultimatum : Trump donne 50 jours à la Russie pour mettre fin à la guerre en Ukraine
Fin juillet, ce délai est réduit à dix jours. Ces annonces interviennent après de nouveaux bombardements massifs de civils ukrainiens qui irritent Donald Trump: “Je ne suis pas content de ce que fait Poutine. Il tue beaucoup de gens... Il est devenu complètement fou!”.
À la suite des menaces d’une guerre nucléaire par l’ancien président et proche de Poutine Dmitri Medvedev, Donald Trump annonce avoir déployé deux sous-marins nucléaires américains dans des zones stratégiques.
15 août 2025: tapis rouge et sommet Trump-Poutine en Alaska
“Donald Trump a déroulé le tapis rouge à Poutine mais n'a pas obtenu grand-chose en retour”, résume le Wall Street Journal. C’est à la base militaire d'Elmendorf-Richardson en Alaska, un terrain neutre convenu par les deux dirigeants, que les deux dirigeants russes et américains se rencontrent le 15 août.
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Chacun parle d'une réunion très productive et constructive, mais le bilan est maigre: aucun accord de cessez-le-feu n'est signé, les discussions devaient durer sept heures, elles n'en auront pris que trois. Lors de leurs discussions, Vladimir Poutine aurait proposé un gel des positions militaires uniquement si Kiev acceptait de céder l'intégralité de la région de Donetsk à la Russie.
18 août 2025: sommet à la Maison Blanche entre Trump, Zelensky et les Européens
Trois jours après ce sommet, Donald Trump accueille Volodymyr Zelensky à Washington en présence de plusieurs dirigeants européens venus afficher l'unité du camp allié. Lors de ce mini-sommet à la Maison-Blanche, le président américain promet des garanties de sécurité à l’Ukraine en cas d'accord de paix, tout en excluant toujours l'envoi de troupes américaines au sol. “Nous leur accorderons une très bonne protection, une très bonne sécurité”, déclare Donald Trump en présence de Volodymyr Zelensky.
Le président ukrainien salue cette rencontre et Washington discute désormais ouvertement des modalités d'un soutien militaire pérenne à Kiev si la guerre devait s'arrêter. Donald Trump parle même d'organiser une rencontre entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine.
Mais alors même que ces discussions se tiennent, la Russie déclenche sa plus grande attaque aérienne depuis des mois: dans la nuit qui suit le sommet, plus de 270 drones et 10 missiles de croisière sont lancés contre l’Ukraine, ciblant notamment des installations énergétiques stratégiques.
Septembre 2025: face à l'impasse diplomatique, Donald Trump envisage "une autre approche"
Malgré les ultimatums de Donald Trump et les sommets diplomatiques, aucune avancée décisive vers la paix ne se matérialise à la fin de l’été 2025. Le président américain lui-même, en constatant cela, envisage un changement d’approche.
Lors d'un déplacement public le 21 août 2025, Donald Trump déclare: “Nous saurons, d'ici deux semaines, s'il y aura la paix en Ukraine. Après cela, il faudra peut-être adopter une autre approche”. Il fait référence à l’ultimatum de deux semaines qu'il avait fixé après le sommet d’Alaska et laisse entendre qu'en l'absence de progrès d'ici là, il durcira encore sa position.
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Mais début septembre, aucune avancée. Le 3 septembre, depuis Pékin, Vladimir Poutine se dit prêt à rencontrer Volodymyr Zelensky, mais seulement si ce dernier se rend à Moscou, une condition inacceptable pour Kiev et ses alliés.
Sur le terrain, l’armée russe intensifie ses attaques. Fin août, elle relance une offensive pour s'emparer entièrement de Donetsk. Dans la nuit du 2 au 3 septembre, plus de 500 engins explosifs frappent encore des villes ukrainiennes, tuant des dizaines de civils.
Jeudi 18 septembre, en visite au Royaume-Uni, Donald Trump reconnaît, lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre britannique Keir Starmer, que le conflit "que je pensais être le plus facile à résoudre était" la guerre en Ukraine, "en raison de mes relations avec le président Poutine, mais il m'a laissé tomber. Il m'a vraiment laissé tomber".
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