Fact-checking : qui est à l'origine du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre ?

La France se prépare à des perturbations majeures le 10 septembre - deux jours après un vote de confiance proposé par le Premier ministre François Bayrou - après que des appels à un blocage généralisé lancés par des groupes marginaux en ligne ont reçu le soutien de plusieurs partis politiques.
L'appel à des manifestations de masse et à un boycott total des services est considéré comme une réponse aux mesures d'austérité très controversées dévoilées par François Bayrou en juillet, qui prévoient notamment la suppression de deux jours fériés et le gel des prestations sociales et des pensions.
Les initiateurs de la campagne, dont le slogan est "Bloquons tout", se disent apolitiques, mais le mouvement a depuis été récupéré par des groupes politiques de gauche, par des syndicats ainsi que par des partisans du mouvement des Gilets jaunes.
Alors, d'où vient vraiment le mouvement et comment est-il monté en puissance sur les plateformes en ligne ?
Des appels lancés pour la première fois par un groupe anti-UE
L'appel au blocage du 10 septembre a été lancé pour la première fois en mai dans un message Telegram publié par "Les Essentiels France", un groupe citoyen autoproclamé relativement récent qui diffuse des messages antigouvernementaux.
"Le 10 septembre, on arrête tout, pas pour fuir, pour dire non", peut-on lire dans le message publié sur Telegram le 21 mai.
Certains observateurs et médias français affirment que le groupe est lié à des milieux d'extrême droite et conspirationnistes.
Une visite sur la chaîne TikTok des Essentiels révèle que le collectif soutient la sortie de la France de l'Union européenne et s'oppose au soutien militaire de l'Ukraine, avec une vidéo relayant une déclaration du vice-président de la Douma d'État russe, qui affirme que l'implication française pourrait entraîner le pays dans une "troisième guerre mondiale".
Les appels du groupe ont été largement relayés en ligne lorsque François Bayrou a proposé des coupes budgétaires le 15 juillet, l'analyse de la plateforme française d'écoute sociale Visibrain montrant que le nombre de messages a grimpé à environ 30 000 par jour.
Quelques jours après l'annonce de François Bayrou, un site web officiel de campagne a été lancé, ainsi que des profils de réseaux sociaux et plusieurs groupes en ligne nationaux et régionaux, alors que le mouvement prenait forme.
Un réseau de bots destiné à amplifier les divisions sociales en France
Selon les experts de Visibrain, des signes indiquent que la campagne a été artificiellement amplifiée à l'aide d'une technique appelée "astroturfing", de faux comptes ou des bots publiant des milliers de messages par jour pour propulser le contenu.
Sur la plateforme X, beaucoup de ces bots se présentent comme des jeunes femmes françaises. Ils partagent un large éventail de contenus générés par l'IA et de "fake news", dont beaucoup adoptent des points de vue pro-Kremlin et anti-Ukraine.
Les analystes du groupe français Projet Fox, spécialisé dans le renseignement numérique, soulignent qu'"il s'agit en réalité d'un réseau de bots, potentiellement contrôlé par une entité étrangère, destiné à amplifier les divisions sociales en France".
Ils révèlent notamment que des comptes créés à la même date sur X ont été mobilisés simultanément pour diffuser les mêmes messages. Les réponses automatisées aux messages en anglais - une technique surnommée "comment farming" - ont également contribué à amplifier le contenu.
Le "ton trop formel" utilisé suggère également que les messages ont été rédigés à l'aide d'un outil d'intelligence artificielle, affirment les experts.
Des appels adoptés par des partis politiques
Les partis de gauche, dont la France insoumise (LFI), les écologistes et le Parti communiste français, ont depuis exprimé leur soutien au mouvement de protestation.
Des membres du Parti socialiste ont également soutenu les manifestations, même si les avis restent partagés au sein de la formation dirigée par Olivier Faure.
Les syndicats français sont également divisés, certains groupes puissants tels que la CGT (Confédération générale du travail) soutenant les projets.
Depuis que des personnalités politiques de premier plan, comme le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, se sont exprimées en faveur du blocage, la campagne a pris une nouvelle dimension, celle du grand public, minimisant le rôle joué par les bots et les faux comptes.
Les analystes de Visibrain soulignent que le mouvement a attiré des soutiens de tous horizons politiques et identitaires, à la fois de la "gauche radicale et anticapitaliste" et de la "droite souverainiste et identitaire", ainsi que des partisans des Gilets jaunes, dont la plupart se disent apolitiques.
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