Le distributeur français Coopérative U menace de boycotter les produits du Mercosur en cas d'accord
Dans la bouche de Dominique Schelcher, président directeur général de Coopérative U, la limite est claire. "On n'achètera pas ces produits d'Amérique du Sud à partir du moment où il y a des produits équivalents français."
Sur le plateau de BFMTV/RMC, le PDG du quatrième distributeur de France s'est opposé à un futur accord de libre-échange entre l'Europe et les pays d'Amérique du Sud du Mercosur.
Le projet d'accord commercial est devenu un serpent de mer. Lancé il y a 25 ans, il a toujours connu une vive opposition en France, de la part la classe politique, mais surtout des agriculteurs et de leurs puissants syndicats (FNSEA, JA, CR…). Les exploitations agricoles françaises produisent 88,2 milliards d’euros de produits agricoles en 2022, hissant la France au rang de premier producteur agricole européen.
Une "concurrence déloyale"
Derrière cette opposition, c'est la question de la concurrence et des règlementations que les agriculteurs questionnent. Sur le plateau de BFMTV, Dominique Schelcher a repris cette rhétorique. "Quand on oblige les agriculteurs à produire avec certaines normes, des contraintes qui sont lourdes, mais que des produits sont susceptibles d'arriver avec des contraintes moindres, c'est de la concurrence déloyale," pointe-t-il du doigt.
Il faut dire que la discussion autour du Mercosur ne tombe pas au bon moment. Les agriculteurs français sont déjà en colère et bloquent certains axes du pays. En cause : les réglementations sanitaires autour de la gestion de l'épizootie de dermatose nodulaire contagieuse qui a conduit à l'abattage de plusieurs troupeaux de bovins depuis l'été.
Des régulations que nombre d'éleveurs pensent ne s'appliqueront pas à leurs confrères argentins, boliviens ou brésiliens dans le cadre d'un traité de libre échange avec le Mercosur.
S'ajoute à cela un mouvement de protectionnisme de l'agriculture française, qui s'est renforcé dans les dernières années. Avant même que le sujet du Mercosur soit évoqué, alors qu'il était interrogé sur la place des distributeurs durant les fêtes de fin d'années, le PDG de Coopérative U a mis en avant la nécessité de consommer français.
"La vraie chose à faire pour les Français, c'est d'acheter français pour les fêtes. C'est notre responsabilité en tant que magasin de proposer le plus de produit français possible," avance-t-il. "Maintenant, pour les acheteurs, il faut avoir ce que j'appelle le réflexe "origine France". Quand vous le prenez, retournez-le et si ce n'est pas "origine France", reposez-le."
Un vote du Conseil prévu dans la semaine
L'opposition française ne suffit pour le moment pas à faire plier la Commission. Elle a annoncé cette semaine vouloir arriver à un accord avant la fin de l'année. Pour les soutiens de l'accord de libre échange, signer le traiter devient urgent. Menés par l'Allemagne et l'Espagne, ceux-ci espèrent qu'il offrira à l'UE un accès à des marchés stratégiques majeurs dans un contexte économique global compliqué.
Dans la dernière ligne droite, Paris a poussé pour des "clauses de réciprocité" qui alignent les normes environnementales et agricoles du Mercosur sur celles de l'UE. Ces conditions, controversées, pourraient remettre en jeu la signature de l'accord. La France demande également des contrôles sanitaires et phytosanitaires plus stricts de la part de l'UE.
Les détracteurs de l'accord, dont fait partie Dominique Schelcher, ne perdent pas espoir. "J'espère que jeudi, il y aura une prise en compte des demandes de la France pour protéger notre agriculture," a-t-il exhorté lors de son interview.
"Qu'il y ait des traités, qu'il y ait des échanges internationaux, oui. Mais on ne peut pas le faire s'il y a le risque d'affaiblir nos producteurs et notre économie," a-t-il conclu.
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