Prisons en France : surpopulation record, tensions politiques et appels à une réforme urgente

Le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record. Au 1er juillet 2025, 84 951 personnes étaient incarcérées, selon les chiffres publiés par le ministère de la Justice.
C’est bien plus que la capacité des prisons françaises, qui est de 62 509 places. Cela donne une densité carcérale moyenne de 135,9 %, et ce taux dépasse même 200 % dans 29 établissements.
La situation s'aggrave depuis plusieurs mois. En un an, 6 442 détenus supplémentaires ont été enregistrés.
Le seuil symbolique des 80 000 détenus avait été franchi pour la première fois le 1er novembre 2024. Depuis, le chiffre n’a cessé de grimper, à l’exception d’un léger recul au 1er janvier 2025 (80 669 contre 80 792 un mois plus tôt), un phénomène fréquent en début d’année.
La France est le 3ème pays européen le plus touché en Europe
Les maisons d’arrêt, qui accueillent les personnes en attente de leur procès (et donc présumées innocentes) ainsi que celles condamnées à de courtes peines, sont particulièrement touchées. Leur taux d’occupation atteint 167 %.
Parmi les personnes incarcérées au 1er juillet, 22 822 sont des prévenus, en attente de jugement définitif.
En tout, 103 499 personnes étaient sous écrou début juillet. Ce chiffre comprend aussi 18 548 personnes non détenues, placées sous bracelet électronique ou en placement à l’extérieur, par exemple confié à une association de réinsertion, sans surveillance du personnel pénitentiaire.
Au-delà du manque de place, les prisons françaises sont confrontées à un autre problème majeur : la vétusté des bâtiments, ce qui aggrave les conditions de vie, notamment en période de canicule.
La France fait partie des pays les plus touchés par la surpopulation carcérale en Europe. Selon une étude du Conseil de l’Europe publiée en juillet 2025, elle se classe troisième derrière la Slovénie et Chypre.
Quelles sont les réactions face à ce fléau ?
Face à ce problème, plusieurs voix s’élèvent pour demander une réforme en profondeur du système pénitentiaire.
- Un front associatif mobilisé
Le groupe de travail sur la population carcérale, qui réunit vingt-sept organisations, a été auditionné le 2 juillet à l’Assemblée nationale. Les associations demandent "un mécanisme contraignant de régulation de la population carcérale" à inscrire dans la loi.
Parmi les pistes évoquées : "un meilleur accompagnement de réinsertion" des détenus et le "développement des peines alternatives à l’incarcération".
Le président de la commission des lois, Florent Boudié (macroniste), a promis de porter une proposition de loi en ce sens "d’ici la rentrée".
Il souhaite dialoguer avec toutes les formations politiques, "y compris les plus réticentes", pour construire un mécanisme national de régulation.
- Macron propose de louer des places de prison à l'étranger
Parmi les solutions avancées pour désengorger les prisons, Emmanuel Macron a aussi évoqué la possibilité de louer des places de prison à l’étranger, lors de son interview sur TF1 en mai.
Cette idée, a déjà été mise en œuvre par d’autres pays européens, comme les Pays-Bas.
La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonot, a rappelé lors d'une interview à Euronews les difficultés rencontrées dans le cas hollandais : "La Hollande a loué ses places de prison à la Belgique avec son propre personnel, mais en vertu de la loi belge. Le personnel néerlandais a dû être formé pour comprendre le fonctionnement des prisons belges".
"D'autre part, les visites des familles étaient extrêmement compliquées en raison des visas, de la distance. Finalement, la Belgique a abandonné", a-t-elle poursuivi, assurant ne pas voir l'intérêt de retenter l'expérience. Retrouvez l'intégralité de l'interview ici.
- Darmanin propose de transformer les Ehpad vides en prison
De son côté, Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a proposé une solution controversée : transformer des infrastructures inutilisées, comme des "Ehpad vides" ou des "centres de vacances abandonnés", en établissements pénitentiaires.
"On veut envoyer des gens moins dangereux dans des lieux moins carcéraux et les gens dangereux dans les prisons (…). Il y a des Ehpad vides, il y a des centres de vacances qui sont abandonnés, il y a des lits froids, il y a des hôtels", a-t-il expliqué sur Franceinfo début juillet.
- Une proposition de loi qui pourrait augmenter la surpopulation carcérale
Le 3 avril, les députés ont adopté en première lecture une proposition de loi portée par Horizons, le parti d’Édouard Philippe, qui vise à faire de la prison la règle plutôt que l’exception.
Ce texte veut supprimer l’aménagement automatique des courtes peines, y compris celles de moins d’un an, et abroger la libération sous contrainte automatique. Le texte envisage aussi le retour des très courtes peines de prison ferme, de moins d’un mois.
La proposition a reçu le soutien de l’extrême droite, bien que Sylvie Josserand, députée RN du Gard, ait dénoncé "une loi d’affichage".
En revanche, les députés de La France insoumise (LFI), du Parti communiste, des écologistes et du Parti socialiste ont vivement critiqué cette approche.
Selon eux, les courtes peines sont "inefficaces, coûteuses, désocialisantes", et elles "augmentent les risques de récidives et aggravent la surpopulation carcérale".
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