Gaza : qui est Marwan Barghouti, le prisonnier qu'Israël refuse de libérer ?

L’annonce, mercredi soir, de l’accord entre Israël et le Hamas sur la première phase du plan de paix pour Gaza de Donald Trump a remis sur le devant de la scène la question de la libération de prisonniers palestiniens en échange d’otages.
Parmi eux, Marwan Barghouti est sans doute le plus emblématique. Considéré comme l'un des plus grands cerveaux du terrorisme, il est derrière les barreaux depuis plus de vingt ans, condamné à des peines consécutives de prison à vie.
Selon les services de renseignement israéliens, la libération de Marwan Barghouti constitue une "ligne rouge" pour Israël dans les derniers pourparlers de paix, quels que soient les efforts du Hamas.
"Je peux vous dire à ce stade qu'il ne fera pas partie de cette libération", a confirmé par le porte-parole du gouvernement israélien, Shosh Bedrosian ce jeudi.
Laisser en liberté certains des prisonniers palestiniens les plus en vue représente un trop grand risque pour Israël, qui craint de voir l’histoire se répéter.
Yahya Sinwar, haut responsable du Hamas, a été libéré lors d'un échange en 2011, avant de devenir l'un des principaux architectes de l'incursion du 7 octobre 2023 dans le sud d'Israël.
Selon la chaîne israélienne Channel 14, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a assuré au ministre de la Sécurité nationale Ben Gvir que les "symboles du terrorisme, menés par Marwan Barghouti", ne seraient "en aucun cas libérés".
Qui est Marwan Barghouti ?
Pour de nombreux Palestiniens, Marwan Barghouti, 66 ans, est un héros national. Leader d'une branche armée du Fatah, le Tanzim, pendant la Seconde Intifada, il a dirigé de nombreuses manifestations, souvent violentes.
Depuis de nombreuses années, les sondages montrent que Marwan Barghouti est la personnalité politique palestinienne la plus appréciée et qu'il remporterait facilement les élections présidentielles, qui n'ont pas eu lieu depuis 2005.
Il reste bien plus populaire que le président palestinien sortant, Mahmoud Abbas : dans un sondage réalisé en mai 2025 par le PCPSR, basé à Ramallah, et portant sur trois candidats présidentiels potentiels - Marwan Barghouti, Mahmoud Abbas et Khalid Mishal, chef du Hamas - 50 % des personnes interrogées ont déclaré qu'elles voteraient pour Marwan Barghouti.
Dans des sondages hypothétiques sur le leadership menés avant l'attaque du 7 octobre, Marwan Barghouti a battu le leader du Hamas Ismaël Haniyeh 61% à 34%, selon Arab Barometer.
Si Marwan Barghouti se décrit comme "un politicien, pas un militaire", en 2017, Benjamin Netanyahu déclarait que "qualifier Barghouti de leader et de parlementaire, c'est comme qualifier (Bachar) al-Assad de pédiatre".
Après avoir dirigé la deuxième Intifada, Marwan Barghouti a été arrêté en 2002 et, deux ans plus tard, a été condamné à cinq peines de prison à vie plus 40 ans de prison par les tribunaux israéliens pour avoir orchestré des attentats qui ont tué cinq Israéliens.
Les autres chefs d'accusation comprennent la tentative de meurtre pour un attentat raté à la voiture piégée près du centre commercial Malha, qui a explosé prématurément, entraînant la mort de deux kamikazes, ainsi que l'appartenance et l'activité au sein d'une organisation terroriste.
Marwan Barghouti n'a pas présenté de défense, refusant de reconnaître la légitimité des institutions israéliennes, mais a également rejeté tout lien avec les incidents.
Une potentielle figure d'unité ?
Marwan Barghouti, qui affirme avoir parlé à tous les hommes politiques israéliens désireux de le rencontrer, soutient la création d'un État palestinien à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sur la base des lignes de démarcation de 1967, une position plus modérée que celle du Hamas.
En 2006, alors qu'il était en prison, il a rédigé le document de conciliation nationale des prisonniers avec des dirigeants du Hamas, du Jihad islamique palestinien et d'autres factions, dans lequel il appelait à l'unité palestinienne.
Il est toujours considéré comme quelqu'un qui pourrait potentiellement soutenir le parti Fatah, fondé par Yasser Arafat, dont il a qualifié les dirigeants de "vieux, faibles et aliénés", et unir les Palestiniens de tout l'éventail politique, y compris les partisans du Hamas.
Selon Amjad Iraqi, analyste principal pour Israël et la Palestine à l'International Crisis Group, en dehors de déclarations très sporadiques faites en prison au cours des dernières décennies, les opinions de Marwan Barghouti restent très peu connues .
"Il y a beaucoup d'iconographie et de légende autour de lui. Mais très peu de gens connaissent l'homme lui-même, ou l'ont entendu parler, ou l'ont vu depuis très longtemps", a-t-il déclaré.
"Il s'agit d'un homme qui est en prison depuis environ 20 ans. Peu de gens connaissent vraiment sa politique aujourd'hui, ce qu'il ferait de la situation actuelle", a-t-il poursuivi.
Personne n'a pu parler à Marwan Barghouti depuis au moins deux ans. Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas en octobre 2023, il est détenu à l'isolement et, selon les groupes de défense des droits des prisonniers palestiniens, il a été soumis à de graves mauvais traitements. Sa famille a exprimé des craintes pour sa sécurité.
Marwan Barghouti a été vu pour la dernière fois en août, lorsque Itamar Ben Gvir a visité sa cellule et a été enregistré en train de dire : "Vous ne nous vaincrez pas".
"Quiconque s'en prend au peuple d'Israël, quiconque assassine nos enfants, quiconque assassine nos femmes, nous l'anéantirons. Il faut que vous le sachiez, tout au long de l'histoire", a déclaré Itamr Ben Gvir à Marwan Barghouti dans une vidéo rendue publique.
Du côté palestinien, la question qui se pose est de savoir si le Fatah et Mahmoud Abbas accepteraient d'être défiés par une personnalité populaire alors qu'ils sont en perte totale de popularité.
Dans le même temps, le Hamas, qui considère toujours qu'il a sa place dans le mouvement national palestinien, n'accueillerait pas non plus très favorablement un challenger, selon les experts.
"Même s'il est libéré, il y a trop d'hypothèses sur ce qu'il peut faire", reconnait Amjad Iraqi.
"Il entre dans un parti qui a lui-même perdu une grande partie de sa légitimité populaire et il est libéré dans un mouvement national qui n'a jamais été aussi divisé.", poursuit-il encore.
Selon Matthew Levitt, directeur du programme Reinhard sur le contre-terrorisme et le renseignement à l'Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient, la demande de libération de Marwan Barghouti par le Hamas ne serait pas liée à sa personne, mais au maintien de l'image et de l'influence du groupe islamiste palestinien.
"Historiquement, le Hamas a cherché à faire libérer des Palestiniens importants dans les prisons israéliennes qui ne sont pas membres du Hamas, afin de se présenter comme luttant pour tous les Palestiniens plutôt que de chercher à faire libérer uniquement ses propres membres", déclare-t-il.
"Le fait que Marwan Barghouti ne figure apparemment pas sur la liste des personnes à libérer est un signe révélateur que le Hamas ne négocie pas en position de force", explique-t-il.
En attendant, les experts estiment qu'aucune personne - y compris Marwan Barghouti - n'est la solution à tous les maux palestiniens, qu'ils soient politiques ou autres.
"Il ne faut pas faire un complexe de Messie avec Barghouti", pointe Amjad Iraqi.
"Oui, les leaders individuels sont importants, mais mettre autant de poids et de bagages sur une seule personne pour corriger quelque chose que des masses d'autres ont été incapables de changer pendant des années, voire des décennies, je pense que c'est une attente trop élevée", conclut-il.
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