Kenya : bousculade aux funérailles de l'opposant Odinga, des dizaines de blessés

Par AFP Par Eden EZRA et Luis TATO © 2025 AFP

Des dizaines de personnes ont été blessées vendredi, certaines gravement, lors d'une bousculade durant les funérailles nationales de l'opposant historique Raila Odinga, un jour après que les forces de sécurité kényanes ont tiré dans un stade de Nairobi où une foule en deuil était rassemblée, tuant au moins trois personnes.
La cérémonie avait pourtant démarré dans le calme vendredi matin, le président William Ruto s'affichant aux côtés de la famille du défunt dans le stade Nyayo, une enceinte plus petite que celle utilisée la veille.
L'AFP a vu certaines tribunes se lever comme un seul homme, forçant certains spectateurs à se jeter en bas de gradins.
Des personnes se sont aussi fait marcher dessus à proximité du cercueil, alors que les militaires encadrant la cérémonie leur ordonnaient de s'agenouiller mais que la foule derrière continuait à pousser, selon des journalistes de l'AFP.
Parmi les dizaines de blessés, l'AFP a vu de nombreuses personnes évanouies, d'autre ayant des os cassés ou des difficultés à respirer. Cinq ambulances étaient présentes dans le stade pour les soigner.
Cette bousculade survient après un mouvement de panique la veille dans le stade de Kasarani, le plus grand de la capitale, où la dépouille de Raila Odinga, cinq fois candidat malheureux à la présidentielle, notamment en 2022, avait été apportée.

M. Odinga est vénéré au sein de son groupe ethnique, les Luo, l'un des plus importants du Kenya. Il est décédé mercredi en Inde à l'âge de 80 ans d'une probable crise cardiaque.
Les forces de sécurité, dépassées jeudi dans un stade de Kasarani plein à craquer, avaient tiré, provoquant la fuite de dizaines de milliers de personnes de l'enceinte sportive en quelques minutes à peine, dans un chaos absolu.
L'AFPTV avait filmé une foule prise totalement au dépourvu, couchée au sol puis courant dans tous les sens, alors que des dizaines de coups de feu se faisaient entendre. Les images de l'AFP montrent aussi les forces de sécurité frapper à coups de bâton de jeunes hommes dans les tribunes.
"Usage excessif de la force"
Jeudi, une organisation de défense des droits humains, VOCAL Africa, a confirmé la mort de trois personnes au stade de Kasarani après les tirs.
L'AFP a rencontré les familles de victimes à la morgue de la ville vendredi et a pu voir une photo de corps semblant montrer des blessures par balle. "C'est dur à encaisser ", a soupiré Brenda Akot, l'épouse d'Evans Kiche, 40 ans, une des trois victimes, blessé par balle à la tête.
"L'usage excessif de la force contre les personnes en deuil est totalement injustifié", s'est indigné Hussein Khalid, directeur de VOCAL Africa, à la morgue.
"Nous appelons la police à la plus grande retenue (...) Nous ne voulons pas voir d'autres décès liés à ces funérailles", avait-il dit à des journalistes présents peu avant la bousculade de vendredi.

La mort de Raila Odinga, combattant pour la démocratie qui a passé huit ans en détention sous le régime autocratique de Daniel arap Moi (1978-2002), est un séisme politique pour les Kényans. Elle laisse aussi un grand vide dans l'opposition kényane.
"Baba" (papa), le surnom qui lui était affectueusement donné, a joué un rôle central dans l'avènement de la démocratie au Kenya. Il a notamment mis tout son poids dans la constitution de 2010.
Vendredi, son cercueil, recouvert d'un drapeau kényan, a été tracté par un véhicule militaire dans le stade de Nyayo.
Sa dépouille doit ensuite transférée dans l'ouest du Kenya, où M. Odinga est né et où il bénéficiait d'un soutien populaire immense.
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