"Une exception" en Europe: l'approche radicalement différente de l'Espagne face à la migration africaine

Par Océane Bourdenet avec agences


La conférence internationale Afro Madrid 2025 s’achève ce vendredi 17 octobre. Pendant quatre jours, les échanges ont porté sur les Afro-descendants comme “une force pour le changement social” en Espagne. Interrogée par TV5MONDE, la juriste et professeure de droit, Marie-Laure Basilien-Gainche, parle d'une "exception espagnole" à l'égard de le politique migratoire africaine du Premier ministre Pedro Sanchez.

La conférence internationale Afro Madrid 2025 s’achève ce vendredi 17 octobre. Pendant quatre jours, les échanges ont porté sur les Afro-descendants comme “une force pour le changement social” en Espagne. Interrogée par TV5MONDE, la juriste et professeure de droit, Marie-Laure Basilien-Gainche, parle d'une "exception espagnole" à l'égard de le politique migratoire africaine du Premier ministre Pedro Sanchez.
"Le gouvernement de Pedro Sánchez ne cesse de marteler que la migration n’est pas un problème, mais une solution", explique Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit à l'Université Jean Moulin Lyon 3. Ce discours politique contraste avec celui de ses voisins européens, comme le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, qui réduisent tous leurs budgets d'aide au développement consacrés à la migration africaine.
Lors de la conférence ce vendredi 17 octobre, le ministère espagnol des Affaires étrangères a présenté une nouvelle stratégie pour l’Afrique. Parmi les projets, le gouvernement espagnol veut financer des programmes de formation pour les jeunes sans emploi dans des pays comme le Sénégal, en particulier pour les migrants en situation irrégulière qui ont été renvoyés. Il a rappelé que "le soutien à la diaspora africaine et la lutte contre le racisme et la xénophobie sont des priorités clés".
Selon un rapport d'août du think tank Terra Nova, 19% de la population résidant en Espagne est immigrée. Un chiffre qui croît. Selon Marie-Laure Basilien-Gainche, le gouvernement espagnol mise sur l’insertion professionnelle des migrants pour dynamiser le pays.
En Espagne, il existe une forte conscience du déclin démographique et de la nécessité de l'immigration pour compenser la baisse de la population active liée au vieillissement.
Marie-Laure Basilien-Gainche, juriste en droit international à TV5MONDE
Selon les dernières données de l'Institut national de statistiques, publiées en février, la population espagnole a augmenté en 2024 de plus de 450.000 résidents, principalement originaires de Colombie (157.000), du Venezuela (107.000) et du Maroc (106.000).
La montée d'un sentiment anti-migrants
La politique migratoire est organisée de manière tripartite entre l’État, les organisations syndicales et les organisations patronales. "Un important travail d’intégration par l’emploi est ainsi favorisé en Espagne, et bénéficie d’une assez large acceptation au sein de la population", observe-t-elle.
Si la juriste souligne une certaine tolérance de la population envers les migrants, le pays observe néanmoins une progression constante du parti d’extrême droite Vox à chaque scrutin. Lors des élections municipales de 2023, Vox a doublé son nombre de voix, atteignant 7 % et confirmant ainsi sa position de troisième force politique à Madrid.
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En juillet, des forces de sécurité ont dû être déployées contre des gangs racistes qui erraient dans les rues de Torre Pacheco, dans la région de Murcie, où de nombreux Africains travaillent dans le secteur horticole en plein essor. "C'est typiquement les groupuscules d'extrême droite nourries par Vox", affirme la professeure de droit. "Ils font des interventions coup de poing très médiatisées et diffusées sur les réseaux sociaux. Leur but est de renverser la position actuellement accueillante de l'Espagne, ce qui est assez problématique", conclut-elle.
Une migration pendulaire propre à l'Espagne
Longtemps terre d'émigration, l'Espagne est devenue en quelques décennies l’un des principaux pays d’accueil de l’immigration au sein de l’Union européenne. En 2018, la route migratoire de la Méditerranée occidentale rejoignant le Maroc et l'Algérie à l'Espagne, était la plus empruntée en Europe. Cette transformation, amorcée dans les années 1990, a profondément marqué sa trajectoire démographique, économique et politique.
Durant la conférence Afro Madrid 2025, un programme de "migration circulaire" a été présenté. Il donne aux Africains de l'Ouest des visas à court terme pour venir en Espagne pour des périodes limitées de travail saisonnier, principalement dans l'agriculture, puis revenir.
L'exception espagnole réside aussi dans sa conception de la migration comme un déplacement pendulaire. Les migrants marocains viennent travailler dans les exploitations agricoles espagnoles. Une fois que la saison est terminée, ils repartent au Maroc et ils peuvent revenir.
Marie-Laure Basilien-Gainche
Si le discours migratoire de l’Espagne constitue une “exception” en Europe, son contrôle des frontières extérieures, lui, reste aligné sur la logique sécuritaire de l’Union européenne. En 2024, plus de 45.000 personnes ont effectué la traversée en mer périlleuse de la côte ouest de l'Afrique à l'archipel espagnol des îles Canaries. Les estimations de ceux qui sont morts en faisant la tentative varient entre 1.400 et 10.460, selon le ministère de l'Intérieur espagnol.
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