A Visa pour l'image, résilience et "petites résistances" des populations en temps de guerre

Par AFP Par Chantal VALERY © 2025 AFP

Au milieu des ruines de pays en guerre, des photojournalistes s'évertuent à montrer la résilience des populations civiles qui, malgré la peur, la privation et la souffrance, reconstruisent et mettent en place de "petites résistances".
Sifa, 21 ans, a appelé son nouveau-né "La Guerre" car "c'est tout ce que j'ai connu jusqu'ici". En République démocratique du Congo (RDC), les femmes vivent "un enfer", régulièrement victimes de viols collectifs, témoigne Paloma Laudet, jeune photographe française exposant au festival Visa pour l'Image à Perpignan.
Comme ses confrères interrogés par l'AFP à l'occasion de cette 37e édition de cette rencontre internationale du photojournalisme, la reporter tient à documenter "les histoires terribles" des femmes congolaises qui continuent "d'aller aux champs" au risque "d'être violées". Car à Goma, sous le contrôle du groupe armé du M23, la vie doit continuer "coûte que coûte" pour les civils qui n'ont plus que "l'espoir de la paix" pour survivre.
Les femmes afghanes, claquemurées et exclues de la société depuis quatre ans de régime taliban, tentent d'arracher quelques instants de liberté. Azada fait l'école dans le salon de sa grand-mère aux jeunes filles qui en sont privées, Reza donne des cours de dessin, une esthéticienne tient un salon de beauté clandestin, autant de "petites résistances" que la Française Sandra Calligaro donne à voir sur ses clichés.
A Kaboul, "les femmes n'ont droit à rien, mais elles font des petites choses qui en fait sont beaucoup", raconte la photographe qui y a vécu neuf ans et dont le réseau a permis "d'entrer dans l'intimité" des maisons afghanes et de rendre ces femmes "un peu moins invisibles".
"Fantômes" -
En Ukraine, Iryna et Sergey récupèrent des briques et un tapis pour s'isoler pour l'hiver. Ils déambulent "comme des fantômes dans un champ de ruines", témoigne la photographe française Gaëlle Girbes, qui suit depuis fin 2022 une poignée de survivants revenus reconstruire leurs maisons rasées.

Un petit rideau à la fenêtre, on répare la chaudière, on ramasse le bois, on s'occupe du jardin, "c'est la vie qui revient peu à peu, alors que tout ce que vous possédiez est détruit". Et soudain, un chien, un chat apparus dans les décombres "vous tirent de l'enfer" et apportent un "peu de joie" au quotidien, se souvient-elle.
L'Américain Salwan Georges du Washington Post veut aussi "montrer l'espoir dans l'obscurité et le chaos" de la Syrie post-Assad.
Cet ancien réfugié irakien qui a vécu une partie de son enfance à Damas a capturé les images d'enfants jouant à cache-cache. "Ces enfants sont habitués aux bombes et à voir des restes humains", dit-il. "Ils ont traversé l'une des pires périodes de l'histoire humaine, et ils continuent de sourire et de jouer".
- "Semblant de réalité"
Sur les clichés de Fatima Hassouna, tuée à l'âge de 25 ans par un missile israélien à Gaza, on voit des enfants qui tendent une gamelle vide ou qui jouent avec un petit avion en papier au milieu des gravats.

Sur ceux de Saher Alghorra, 26 ans, toujours enfermé dans l'enclave palestinienne, on voit des fillettes vêtues de jolies robes sur le chemin de l'école, des enfants sur une balançoire, d'autres tout sourire devant un stand d'huile de vidange ou encore sur la plage tentant d'échapper à la guerre.
S'il montre la mort et la faim, le photojournaliste donne à voir la résilience de la population qui "continue ce semblant de réalité", selon Aruallan, une photographe en lien constant avec le Gazaoui.
"Exercer notre métier est devenu un acte de résistance en soi pour la défense de la liberté de la presse", reconnaît le reporter dans un message à l'AFP. Mais il "décide de ne pas photographier des scènes trop choquantes par respect pour la dignité des victimes et de leurs familles, lorsque des femmes ont été dénudées par des explosions ou lorsque des victimes sont totalement démembrées", écrit le lauréat 2025 du Visa d’or humanitaire du Comité International de la Croix-Rouge (CICR).
Today