ÉDITO. Mohammed ben Salmane à la Maison Blanche, Donald Trump faiseur de roi
Par Slimane Zeghidour
L'accueil offert par Donald Trump au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Washington ouvre une nouvelle ère dans les relations bilatérales.
L'accueil offert par Donald Trump au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Washington ouvre une nouvelle ère dans les relations bilatérales.
On ne prête qu'aux riches. Accueilli en grand arroi à la Maison Blanche, le prince-héritier saoudien Mohamed ben Salmane, alias "MBS", en est ressorti couronné d'un label de dirigeant libéral et moderniste. Une dignité qui plus est décernée par Donald Trump lui-même, au Bureau ovale, face aux correspondants de la presse nationale et internationale, incrédules ou ébahis.
"Vous n’êtes pas obligée d'embarrasser notre invité"
Il est vrai que l'homme fort de l'Arabie saoudite n'a pas lésiné sur les moyens, et d'abord financiers, pour obtenir ainsi le quitus de l'homme le plus puissant du monde. Il est arrivé suivi de pas moins d'un millier d'investisseurs résolus à semer jusqu'à un milliard de dollars sur le sol américain.
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"Chaque homme à son prix" dit l'adage américain: cavaliers, fanfare de la marine, survol aérien, aucun égard n'était de trop pour honorer le princier visiteur et ce jusqu'au cœur du saint des saints, le mythique Bureau ovale. Ainsi, là même où le président ukrainien Volodymyr Zelensky fut rudoyé comme jamais, tourné en bourrique et finalement humilié puis congédié comme un malpropre, Donald Trump face à MBS s'est surpassé en gestes amicaux, effusions et éloges dithyrambiques devant un prince faussement impavide, en état de quasi-lévitation. Non sans saluer, au passage, son bilan "incroyable en matière de droits humains".
Pas un mot de plus sur, justement, les droits humains au royaume. Encore moins sur les exécutions capitales, un châtiment encore trop souvent appliqué aux États-Unis et qui n'a jamais révulsé Donald Trump, lui-même ayant menacé ce jeudi de l'appliquer à… des sénateurs démocrates en cas de rébellion civique contre sa politique.
À la question d'une journaliste de la chaîne américaine ABC à propos de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, citoyen saoudien exilé aux États-Unis et collaborateur du Washington, séquestré, assassiné dans le consulat d'Arabie à Istanbul, le président s'est insurgé en évoquant, indigné, une personne "extrêmement controversée".
Et d'enfoncer le clou sur sa lancée: "Beaucoup de gens n'aimaient pas ce monsieur dont vous parlez. Qu'on l'aime ou pas, des choses arrivent". Désignant d'un geste ample le prince-héritier, allant ainsi jusqu'à désavouer son propre service de renseignement, la CIA, pour le blanchir, il concluait: "Mais il ne savait rien de tout ça. Et on peut en rester là. Vous n’êtes pas obligée d’embarrasser notre invité".
Un allié majeur non-membre de l'Otan
Ainsi réhabilité, MBS, que le démocrate Joe Biden voulait traiter en "paria", s'impose désormais comme un partenaire privilégié des États-Unis, et avec en prime le statut d'allié majeur non-membre de l'Otan. Tribunal populaire pour l'Ukrainien, jury d'honneur pour le Saoudien, le Bureau ovale est devenu une moderne Roche tarpéienne, cette crête rocheuse située non loin du Capitole dans la Rome antique et d'où on précipitait tout proscrit, imposteur, criminel…
Après quoi il pouvait annoncer la finalisation d'un accord stratégique de défense avec Riyad, incluant la fourniture d'avions de chasse dernier cri F-35, au grand dam sinon au dépit et à la fureur de Benjamin Netanyahu.
De fait, seul et unique pays hors Otan doté de cet avion de cinquième génération, Israël a jusqu'ici réussi à opposer un véto à tout projet d'exportation à un État tiers, a fortiori arabe, de cet outil majeur de supériorité incontestée dans le ciel. Même l'allié turc, membre imposant de l'Otan et un temps associé au projet auquel il devait fournir 1.300 pièces mécaniques, n'a pas pu en acquérir.
Il est trop tôt pour évaluer l'impact stratégique et politique d'une promotion aussi fulgurante d'un allié jusqu'ici respecté non sans réserve, en raison de son strict rigorisme religieux. Or voilà que sur ce plan, MBS conduit une véritable révolution des mœurs dans son pays - par le haut et d'une main de fer.
Il n'est plus question d'imposer le port du voile aux étrangères ni même aux filles du pays qui n'en veulent point. Les femmes enfin autorisées à conduire investissent en masse le marché du travail, de la police des frontières jusqu'au personnel des hôtels, en passant par les services et les commerces.
Si l'alliance privilégiée se confirme, nul doute qu'Israël verrait la côte stratégique de l'axe Tel-Aviv-Washington un tant soit peu contrebalancée par un axe parallèle Washington-Riyad.
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