Pour la drag queen Nicky Doll, "l'art du drag est avant tout politique"

Par AFP Par Fanny LATTACH © 2025 AFP

De New York où elle réside, à Paris où elle présente "Drag Race France", la plus connue des drag queens françaises Nicky Doll assume son activisme à travers l'art, comme dans son premier album où elle convoque la mythologie.
Célèbre pour sa participation à l'émission américaine et concours RuPaul's Drag Race, Nicky Doll - Karl Sanchez, de son vrai nom - officie dans l'adaptation française du programme diffusé sur France 2 et a aussi participé à la cérémonie d'ouverture des JO de Paris.
Dans son opus pop "Apollo.Artemis", déjà disponible, l'artiste trentenaire rencontrée par l'AFP brandit ses différentes facettes et clame son "adéquation" avec elle-même.
QUESTION: La musique est-elle devenue une nouvelle corde à votre arc?
REPONSE: "On me connaît via mon art visuel, par ma performance scénique, mais pas par ma musique. Je me suis rendue compte que j'avais vraiment envie de sortir un projet entier, avec un point de vue, une direction artistique."
Q: Pourquoi convoquez-vous deux divinités de la mythologie grecque ?
R: "Apollo (Apollon, ndlr), le dieu de la beauté et du soleil, et Artémis, qui est la déesse de la chasse et de la lune. Mais ce sont aussi des jumeaux divins, ils font partie de la même cellule. C'était pour raconter ma dualité de genre, parce que je suis un homme, mais je performe le genre. J'ai une part de féminité en moi qui est très exacerbée et que j'adore mettre en avant, parce que je pense qu'on l'a tous."
Q: Après trois saisons de "Drag Race France" et une émission inédite "All Stars", quel regard portez-vous sur cette visibilité?

R: "Ça a été un moyen de respecter un art qui était très souvent pris de haut ou sous-estimé. L'art du drag, c'est très complexe, passionnant. Donc je suis très fière de mon pays et de mes compatriotes, de voir qu'on s'est sentis concernés ensemble."
Q: Vos détracteurs considèrent que cette mise en lumière est trop grande, voire dangereuse...
R: "On prendra toujours trop de place pour les gens qui ne veulent pas du tout montrer qu'il y a des gens libres. Nous, on est en parfaite adéquation avec nos vies. On est honnêtes de les partager dans leurs difficultés, leur beauté, leurs paillettes, leurs drames. Ça fait du bien aussi aux gens qui sont des alliés - qui ne sont pas forcément de la communauté - d'emprunter cette philosophie de liberté. Je pense que c'est ça qui fait peur, parce que les gens libres, ils ne sont pas facilement contrôlables."
Q: S'il existe des +alliés+, selon vos termes, à l'opposé on trouve...
R: "Des cons. Il y a beaucoup de cons en face. On peut appeler ça des adversaires, mais je ne vois pas ça comme un adversaire. C'est juste des frustrés, qui des fois secrètement veulent coucher avec nous, mais ne se l'assument pas."
Q: Vous prenez régulièrement la parole pour défendre les droits des personnes LGBT+. Pourquoi est-ce important?

R: "Mon rôle principal va être de divertir, de rassurer des nouvelles communautés, mais l'art du drag est avant tout politique. On n'a pas juste jeté des briques à Stonewall (émeutes aux Etats-Unis en 1969 marquant l'éclosion des luttes LGBT+, ndlr), on n'a pas juste marché pour avoir une pride (Marche des fiertés), en 2025 on doit continuer à le faire. Parce que si on le fait pas, on risque de le regretter. Et s'il y a bien une chose que je n'arriverai pas à tolérer, c'est de voir que la France sombre dans l'extrémisme."
Q: Le pays attend justement un nouveau gouvernement. Vous qui êtes engagée, seriez-vous tentée par le ministère de la Culture?
R: "Je me présente déjà de manière active dans mon rôle en tant que citoyen et je préfère rester là-dessus. La politique, c'est aussi un jeu de pouvoir et j'aurai trop peur de devoir vendre un petit peu mon âme pour arriver à mes fins, donc je préfère largement être un gourou qu'un ministre. Et puis les tenues, elles sont un peu bof. Moi j'aime bien montrer ma jambe!"
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