Madagascar: nuée de courtisans et de doléances dans la cour du nouvel homme fort

Par AFP Par Clément VARANGES © 2025 AFP

Autour de la statue de Saint-Martin partageant son manteau avec un mendiant, une foule hétéroclite patiente jeudi à Antananarivo dans l'espoir d'une audience avec le nouvel homme fort de Madagascar, qui doit être investi président vendredi.
A l'ombre des arcades du bâtiment abritant le bureau du colonel Michaël Randrianirina, certains somnolent, la tête dans les bras ou appuyée sur le mur saumon.
Le secrétaire général de la principale plate-forme syndicale de la fonction publique du pays, Jerisoa Ralibera, dit attendre depuis déjà six heures.
Costumes et robes chics côtoient les combo jeans-basket, souvent accompagnés du chapeau de paille aux couleurs du logo de la Gen Z sauce malgache.
Hommes politiques, entrepreneurs, dirigeants syndicaux, représentants de la galaxie Gen Z et anonymes forment un essaim aux revendications disparates et parfois très personnelles.

Dans un SUV moderne ne courant pas les rues d'Antananarivo, l'ancien ministre de l'Elevage et candidat à la présidentielle Joseph Martin Randriamampionona, dit Dadafara, est venu se "proposer pour le poste de Premier ministre", assure-t-il à l'AFP.
Pour la plupart, ce sont des particuliers à la recherche d'une oreille. "Cette manière pour tout le monde de se rassembler pour essayer de rencontrer le colonel... Il n'y pas meilleure allégorie du système, il faut que ça s'arrête", commente Elliot Randriamandrato, un des porte-paroles de la Gen Z.
Les quémandeurs de baisse d'impôts et pourvoyeurs de conseils non sollicités coudoient les désespérés en quête d'une enquête de police ou d'une grâce présidentielle.
"Optimistes"
Trois femmes d'agents de la société de distribution d'électricité (Jirama) arrêtés et emprisonnés depuis septembre car soupçonnés d'avoir détourné du carburant espèrent une audience pour plaider l'innocence et la libération de leurs maris.

Deux survivants d'un empoisonnement massif, en juin lors d'une fête d'anniversaire, qui a tué au moins 32 personnes veulent "demander la vérité", estimant la responsable "protégée" sous le président Andry Rajoelina.
Des défenseurs de la "coutume traditionnelle" malgache ont eux l'intention de bénir le colonel Randrianirina avec un "rituel de souhait réussite" (le "tso-drano") en lui soufflant, au passage, de "remettre les traditions au coeur de la société malgache et des programmes scolaires".
Des revendications plus générales font aussi l'unanimité: la fin de la corruption, de la misère, du pillage et de l'arbitraire. Le tout enveloppé d'un espoir de changement. "On est optimistes", résume Charline Raharinirina, 52 ans et présidente d'une association de consommateurs.
Pour autant, elle entend demander la "mise en place d'un Haut conseil pour la défense de la démocratie et de l'état de droit". "C'est très important d'implanter cette structure, surtout sous un directoire militaire", souligne-t-elle.

Car l'histoire de Madagascar est un éternel recommencement de présidents poussés dehors par des militaires après des soulèvements populaires.
"A chaque fois c'est pareil, on dégage des voleurs pour nommer des brigands", résume Dadafara.
Après avoir passé "30 à 40 minutes" en audience avec le colonel Michaël Randrianirina au soir du coup d'Etat mardi, "cette fois-ci tout est différent", jure Nicolas Emilson, un des porte-paroles de l'organisation Tolom-bahoaka, une de celles associées à la lutte dans la rue commencée le 25 septembre.
"Il nous a dit +ne vous inquiétez pas, je vais régler tout ça+. Le ton était très diplomatique", rapporte cet auditeur de 28 ans à l'Ecole nationale d'administration malgache.
Malgré ce premier échange, le voici de retour jeudi: "On veut que le message passe."
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