Ce que l'on sait du nouveau plan d'Israël pour "prendre le contrôle" militaire de la ville de Gaza

Par Elena Lionnet avec agences


Le cabinet de sécurité israélien a validé le plan proposé par Benjamin Netanyahou. Malgré de fortes oppositions au sein même du pays, et depuis l'étranger, l'armée israélienne "se prépare à prendre le contrôle de la ville de Gaza" et à déplacer encore une fois les populations vers des camps provisoires.

Le cabinet de sécurité israélien a validé le plan proposé par Benjamin Netanyahou. Malgré de fortes oppositions au sein même du pays, et depuis l'étranger, l'armée israélienne "se prépare à prendre le contrôle de la ville de Gaza" et à déplacer encore une fois les populations vers des camps provisoires.
L'armée israélienne se prépare ce vendredi 8 août, sous les critiques internationales, à prendre le contrôle de la ville de Gaza, dans le but de "vaincre" le Hamas et assurer la libération des otages. Le plan exposé sur la chaîne américaine Fox News par le Premier ministre israélien la veille a été adopté dans la nuit par le cabinet de sécurité.
Voir Israël : quel est le plan d'occupation de Gaza de Netanyahou ?
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Le plan élaboré par Benjamin Netanyahou pour "conclure la guerre" doit, selon le communiqué officiel, se dérouler en cinq étapes.
1- Désarmer le Hamas
Après l'attaque du Hamas le 7 octobre, Israël a concentré ses offensives pour frapper le Hamas là où il est supposé se trouver. L'armée israélienne a donc mené des raids et bombardé le nord de Gaza et la ville de Gaza, détruisant l'hôpital d'Al-Chifa qu'elle affirmait servir de couverture aux militants du Hamas.
Voir Gaza : l'Hôpital Al-Chifa complètement détruit
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2 - Le retour des otages, vivants ou morts
Le communiqué veut le retour des 49 otages dont 20 sont présumés être encore vivants. Le Hamas a déclaré que ce plan aboutira au "sacrifice des otages". Un plan condamné par le Premier ministre britannique Keir Starmer qui a déclaré "qu'il ne contribuera en rien à mettre fin au conflit ni à obtenir la libération des otages et ne fera qu'engendrer davantage de massacres."
Ce matin même, trois voiliers affrétés par des familles d'otages se sont symboliquement rapprochés des côtes de Gaza pour jeter des bouées à la mer et lancer un cri d'alarme : "Mayday!" (S.O.S). Ce plan "signifie abandonner les otages, tout en ignorant complètement les avertissements répétés de la direction militaire et la volonté claire de la majorité du public israélien", affirme le Forum des familles.
3 - La démilitarisation de la bande de Gaza
C'est le préalable au cessez-le-feu réclamé depuis des mois par Israël. En mars, le ministre des Affaires étrangères israélien Gideon Saar avait déclaré "nous demandons une démilitarisation totale de Gaza. Le Hamas et le Djihad islamique dehors. Et rendez-nous nos otages. S'ils acceptent ça, nous pouvons mettre en oeuvre demain la phase deux", c'est à dire, l'accord de cessez-le-feu.
Sami Abou Zouhri, membre de la direction du Hamas, a opposé une fin de non-recevoir à ces exigences. "Toute discussion sur les armes de la résistance (à Israël) est un non-sens. Les armes de la résistance sont une ligne rouge pour le Hamas et tous les groupes de la résistance", a-t-il déclaré.
4 - Le contrôle sécuritaire israélien dans la bande de Gaza
L'armée israélienne occupe ou opère actuellement au sol dans près de 75% de la bande de Gaza, principalement depuis ses positions permanentes dans le territoire le long de la frontière. Elle bombarde partout où elle le juge nécessaire.
Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), 86,3% du territoire est militarisé par Israël et soumis à des ordres d'évacuation. Les zones non occupées sont aussi les plus peuplées : les villes de Khan Younès et Gaza, les camps de réfugiés de Deir-el-Balah, dans le centre du territoire. Gaza a une densité de population de 5 500 habitants par kilomètre carré, soit trois fois et demi de plus qu'à Paris, selon Associated Press.
Voir Bande de Gaza : le nouveau cri d'alarme des humanitaires
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Selon la radio publique israélienne Kan, le plan prévoit de "conquérir la ville de Gaza, dont les habitants seront évacués dans les deux prochains mois" vers des camps de déplacés. "Ensuite, les troupes encercleront la ville et opéreront à l'intérieur".
Les Gazaouis, qui vivent au quotidien sous les bombes, et sont ballottés au gré des ordres d'évacuation émis par l'armée israélienne, sont à bout de force. "Ils nous disent d'aller au sud, puis de revenir au nord, et maintenant ils veulent encore nous envoyer au sud. Nous sommes des êtres humains, mais personne ne nous entend ni ne nous voit", témoigne à l'AFP Maysa Al-Chanti, une femme de 52 ans, mère de six enfants.
5 - L'établissement d'une administration civile alternative qui ne soit ni le Hamas ni l'Autorité palestinienne
Sur Fox News, le Premier ministre israélien a expliqué ne pas vouloir "gouverner" Gaza mais "mettre en place un périmètre de sécurité". Il souhaite passer "le relais à des forces arabes qui gouverneront correctement sans nous menacer et en offrant une vie agréable aux habitants de Gaza. Cela n'est pas possible avec le Hamas". Benjamin Netanyahou refuse tout contact avec Mahmoud Abbas, chef de l'Autorité palestinienne, qui a le soutien de nombreux gouvernements occidentaux.
Un plan critiqué
Dès sa publication, ce plan a suscité une vague de protestation, en Israël et une vaste réprobation internationale
En Israël, le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, a fustigé sur "X" une "catastrophe" qui va amener "la mort des otages, celle de nombreux soldats, coûter des dizaines de milliards aux contribuables israéliens et (provoquer) une faillite diplomatique".
Le chef d'état-major, le lieutenant-général Eyal Zamir a lui aussi émis des réserves sur ce plan. Il a mis en garde l'exécutif contre le "piège" d'une occupation totale de Gaza, et le danger qu'elle ferait peser sur la vie des otages. Il a ausi déclaré "Nous avons désormais la capacité d'établir une nouvelle réalité sécuritaire le long de la frontière, tout en maintenant une pression continue sur l'ennemi."
Pour le quotidien Israel Hayom, ce plan, à l'heure où les négociations menées par les pays médiateurs sont au point mort, "sert de facto d'ultimatum au Hamas: accepter l'accord sur la table ou laisser Israël conquérir toute la bande de Gaza".
Le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme Volker Türk estime que le plan "doit être immédiatement stoppé" car il "va à l'encontre de la décision de la Cour internationale de justice selon laquelle Israël doit mettre fin à son occupation dès que possible, de la réalisation de la solution à deux Etats convenue et du droit des Palestiniens à l'autodétermination".
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