Soudan: l'ONU met en garde contre une escalade malgré l'accord des paramilitaires pour une trêve
Par AFP © 2025 AFP
L'ONU a mis en garde vendredi contre des "préparatifs en vue d'une intensification" des hostilités au Soudan, déchiré par une guerre entre l'armée et les paramilitaires, malgré l'annonce par ces derniers de leur accord à une proposition de trêve humanitaire.
Le troisième plus grand pays d'Afrique est ensanglanté depuis avril 2023 par une lutte pour le pouvoir opposant l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de son ancien adjoint, Mohamed Hamdane Daglo, tous deux accusés d'exactions.
Après s'être emparé le 26 octobre de la ville d'El-Facher, gagnant ainsi le contrôle sur tout le Darfour, une vaste région de l'ouest du pays, les FSR ont annoncé jeudi leur accord "pour s'engager" en faveur d'une proposition de trêve des pays médiateurs dans ce conflit, Arabie saoudite, Etats-Unis, Egypte, Emirats arabes unis.
Mais sur le terrain, "il n'y a aucun signe de désescalade", a alerté vendredi le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk.
Les FSR ont indiqué lundi regrouper leurs forces sur une nouvelle ligne de front au Kordofan, région stratégique du centre du pays - pétrolifère et située entre la capitale Khartoum et le Darfour - où une attaque dans la ville d'El-Obeid a fait au moins 40 morts mardi, selon l'ONU.
A El-Obeid, "les gens vivent dans la peur" et "sont prêts à partir à tout moment", a témoigné vendredi un habitant, demandant, comme tous les témoins interrogés par l'AFP, à ne pas être cité pour des raisons de sécurité.
"Détourner l'attention"
Le conflit a déjà fait des milliers de morts, forcé le déplacement de 12 millions de personnes et plongé le pays dans la plus grande crise humanitaire au monde selon l'ONU.
Sans compter les informations d'exactions qui se multiplient depuis la prise d'El-Facher.
Le sort de quelques centaines de milliers d'habitants de la ville est toujours inconnu, alors que des images satellite ont suggéré l'existence de possibles fosses communes, a insisté Médecins sans frontières (MSF) vendredi.
Lors d'une conférence de presse à Johannesburg, le nouveau président de l'organisation Javid Abdelmoneim a témoigné des histoires "bouleversantes" de "tortures, viols et exécutions sommaires à caractère ethnique" que les survivants ont raconté à MSF.
Datant de septembre, la proposition des médiateurs prévoit une trêve humanitaire de trois mois, a indiqué jeudi à l'AFP un haut responsable saoudien, précisant que des efforts seraient aussi déployés pendant cette période pour réunir en Arabie saoudite les deux camps en vue de négociations sur un accord de paix permanent.
L'armée n'a pas commenté l'annonce des FSR, mais son chef a répété jeudi que ses forces continuaient "de défaire l'ennemi".
En l'absence d'accord des deux parties, deux habitants d'Omdurman, ville voisine de Khartoum, ont rapporté vendredi matin des explosions à proximité d'une base militaire et d'une centrale électrique, provoquant des coupures de courant.
L'un d'eux a précisé avoir "entendu un drone dans le ciel vers 04H00, avant une explosion". Les attaques de drone ont été l'une des tactiques clés des FSR dans ce conflit.
Pour Cameron Hudson, analyste au Center for Strategic and International Studies (CSIS) à Washington, les paramilitaires "n'ont pas la volonté" de mettre en oeuvre cette trêve et "cherchent plutôt à détourner l'attention des atrocités qu'ils perpètrent à El-Facher".
Bombes et famine
La chute d'El-Facher fait craindre une partition du pays, dont les FSR contrôlent désormais avec leurs alliés l'ouest et certaines parties du sud, alors que l'armée, qui a repris Khartoum en mars, administre le nord, le centre et l'est.
Dans le Kordofan du Sud, une source médicale a affirmé à l'AFP que les paramilitaires avaient bombardé jeudi un hôpital dans la ville de Dilling, tuant cinq personnes et blessant cinq autres.
Sous contrôle des FSR et de leurs alliés depuis deux ans, Dilling est aussi confrontée à une crise humanitaire alors que l'acheminement de l'aide est quasiment impossible depuis des mois au Darfour et au Kordofan.
Le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), un organisme mandaté par les Nations unies et basé à Rome, a déclaré que la ville était confrontée à un risque imminent de famine.