Le futur chancelier allemand négocie avec les Verts pour lever le frein à l'endettement

Vainqueur des élections législatives allemande, le futur chancelier va maintenant devoir convaincre, non seulement les électeurs, mais surtout les députés du Bundestag.
Avec son parti, la CDU, Friedrich Merz, ambitionne de gouverner en coalition avec les sociaux-démocrates du SPD. Et la semaine dernière, les deux blocs ont présenté leur projet visant notamment à lever le "frein à l'endettement" de l'Allemagne, gravé dans la constitution allemande depuis 2009, au plus fort de la crise financière mondiale. Or ce frein limite fortement la capacité du gouvernement à emprunter de l'argent frais.
Au fil des ans, les règles budgétaires strictes du pays ont donné du fil à retordre aux gouvernements successifs qui tentaient de lever des fonds pour faire face aux crises à répétition qui ont secoué le pays.Et c'est d'ailleurs en partie à cause de ce débat qu'en fin d'année dernière la coalition sortante(SPD, Verts et Libéraux) a fini par imploser.
La semaine dernière, la CDU et le SPD sont donc remonté au créneau agurant que la situation internationale avait profondément changé. Les futurs partenaires ont ainsi proposé d'exempter les dépenses de défense qui dépassent 1 % du PIB de l'Allemagne du frein à l'endettement, qui fixe actuellement le déficit structurel à un maximum de 0,35 % du PIB du pays.
La proposition prévoit également la création d'un fonds de 500 milliards d'euros pour investir dans les infrastructures allemandes défaillantes au cours de la prochaine décennie, ainsi qu'un assouplissement des règles d'emprunt pour les seize États fédérés allemands.
Frein à l'endettement
Mais les Verts, qui plaident depuis longtemps en faveur d'une réforme, se dressent désormais sur le chemin de M. Merz. Bien que le parti soit favorable à une modification du frein à l'endettement, il estime que les propositions présentées ne tiennent pas compte de la nécessité d'investir dans la transition vers les énergies propres en Allemagne.
Les Verts ont donc proposé leur propre projet de loi, qui élargit la définition de la "défense" et s'appuie davantage sur les fonds du budget actuel du gouvernement.
Ce jeudi, M. Merz et le SPD ont tenté d'apaiser les Verts en proposant de transférer 50 milliards d'euros des fonds spéciaux dans le Fonds de transformation climatique, un budget fédéral pluriannuel mis en place pour financer les mesures politiques relatives au climat et à la transition énergétique.
M. Merz a également admis que le champ d'application des dépenses de défense serait élargi pour inclure la défense civile et les dépenses de renseignement.
"Qu'attendez-vous de plus de nous en si peu de temps" ? a demandé M. Merz.
Katharina Dröge, chef du groupe des Verts au Bundestag, a affirmé jeudi que le projet de loi ne devrait pas avoir pour but de "transférer des milliards" d'un fonds à l'autre et a demandé que le mot "additionnel" soit ajouté à la proposition.
Le parti dit craindre que sans garanties, l'argent dégagé par la proposition soit simplement utilisé pour remplir les promesses de campagne de la CDU et du SPD.
Problème : M. Merz et le SPD dépendent fortement des votes des Verts pour faire passer la proposition au sein de l'ancien parlement du pays, car l'ajustement du frein à l'endettement nécessite un vote à la majorité des deux tiers du parlement.
La nouvelle composition du Bundestag - qui doit se réunir le 25 mars - signifierait que sans les Verts, M. Merz aurait besoin des votes de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) et de la Gauche pour faire avancer son projet.
Mais ces deux partis sont tellement opposés à la proposition de frein à l'endettement qu'ils ont déposé des recours urgents auprès de la Cour constitutionnelle du pays pour empêcher le débat d'avoir lieu.
Le soutien des experts, mais des défis à relever
L'ajustement du frein à l'endettement est généralement approuvé par les économistes du pays, les désaccords portant essentiellement sur la formulation des propositions du gouvernement.
Jens Südekum, qui, avec trois autres économistes, a réfléchi à la proposition sur laquelle les plans de la CDU et du SPD sont basés, a déclaré qu'il manquait le mot "additionnalité" pour rendre les propositions plus solides.
"Nous devons vraiment nous assurer que si nous avons cette réforme de la rupture de la dette, l'argent supplémentaire ne va qu'à l'armée et aux infrastructures", a déclaré M. Südekum à Euronews. "Nous devons nous engager très fermement à dire : OK, tout l'argent va en plus aux infrastructures, aux investissements et à l'armée ".
L'influente économiste Veronika Grimm, du Conseil allemand des experts économiques, a également exprimé son inquiétude quant aux propositions, déclarant aux médias nationaux que le problème des mesures réside dans leur "conception".
"Il y a un risque que leurs effets négatifs l'emportent sur les effets positifs, contrecarrant ainsi l'effet recherché", a écrit Mme Grimm dans une lettre ouverte adressée à la commission du budget du Bundestag.
Cependant, la spécialiste a également admis qu'une augmentation du budget de la défense était nécessaire. "Sans réformes, nous risquons de tomber dans l'abîme", a-t-elle déclaré au journal Neuen Osnabrücker.
Négociations serrées avec les Verts
Jens Südekum a par ailleurs déclaré à Euronews que si les Verts posaient des problèmes à M. Merz et au SPD, la plus grande catastrophe serait qu'aucun paquet de mesures et d'ajustements ne soit adopté.
"Nous (l'Allemagne) stagnons depuis cinq ans. Nous entrons dans de sales guerres tarifaires avec les États-Unis, des tensions géopolitiques, et Donald Trump ne négocie pas avec les perdants. Donc, nous ne pouvons fondamentalement faire passer nos intérêts que si nous négocions à partir d'une position de force économique", a souligné M. Südekum.
M. Merz lui-même a qualifié le paquet de plusieurs milliards d'euros de vital "à la lumière des menaces qui pèsent sur notre liberté et notre paix sur le continent".
"Le monde nous regarde", a déclaré le futur chancelier ce jeudi, alors que l'heure tournait et que les Verts ne montraient aucun signe de vouloir s'aligner sur le projet de loi.
L'heure est donc à la négociations avant un vote prévu mardi prochain, le 18 mars.
Il devra négocier pendant plusieurs jours avec les Verts afin de les rallier à ses propositions avant le vote du 18 mars.
Le projet de loi doit également passer par le Bundesrat, la chambre haute de l'Allemagne, qui représente les gouvernements des 16 États fédérés du pays. Là, la CDU, le SPD et les Verts auraient besoin du soutien d'un parti supplémentaire pour que le projet de loi soit adopté.
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