L'UE s'oppose au découplage "difficile" des demandes d'adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie

L'Union européenne continue de s'opposer au découplage des demandes d'adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie, craignant qu'une telle rupture ne porte un coup dur à Kyiv à un moment où l'adhésion est envisagée dans le contexte des garanties de sécurité.
L'idée de séparer les deux candidatures - qui ont été déposées presque simultanément dans les premiers jours de l'invasion russe et ont depuis été traitées en parallèle - a gagné du terrain ces derniers mois en raison du veto de la Hongrie contre l'adhésion de l'Ukraine.
Les élections législatives en Moldavie, prévues pour le 28 septembre, ont encore alimenté le débat, car des progrès en matière d'adhésion pourraient aider le pays à contrer les tentatives hybrides de Moscou d'interférer dans le scrutin et de polariser la société moldave.
"La raison pour laquelle nous avons un nouvel élan sur l'élargissement est liée à l'Ukraine", a déclaré Marie Bjerre, ministre danoise des Affaires européennes, mardi, alors qu'elle accueillait ses homologues à Copenhague pour une discussion informelle sur le sujet.
"Il ne serait pas juste de laisser l'Ukraine seule. Nous devons également aller de l'avant avec l'Ukraine", affirme-t-elle.
Aucune "raison objective" pour le veto hongrois, selon Bruxelles
Pour Bruxelles, Kiev et Chișinău ont toutes deux rempli les critères techniques pour ouvrir le premier groupe de négociations d'adhésion - nommés "principes fondamentaux" - qui couvre des sujets clés tels que la démocratie, les droits de l'Homme, la sécurité, le système judiciaire et les marchés publics.
Mais l'ouverture d'un nouveau groupe de négociations requiert l'unanimité.
Le Danemark, qui assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l'UE, a promis d'exercer une "pression maximale" sur la Hongrie pour sortir de l'impasse dans laquelle l'Union se trouve depuis plus d'un an.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a invoqué diverses raisons, telles que la guerre, la sécurité énergétique et l'agriculture, et a lancé une consultation nationale auprès de ses citoyens pour justifier son veto.
"La Hongrie ne fait aucun lien avec les pays candidats", a déclaré le représentant hongrois, János Bóka, à son arrivée à la réunion. "Nous soutenons les progrès de la Moldavie et nous sommes opposés à tout lien entre les pays, car nous pensons qu'il s'agit d'un processus fondé sur le mérite".
Cette impasse exaspère plusieurs États membres.
Jessica Rosencrantz, ministre suédoise des Affaires européennes, estime que le veto est "totalement inacceptable", tandis que son homologue français, Benjamin Haddad, a accusé Budapest de retarder le processus d'adhésion pour des "raisons internes".
"Ce que la Hongrie fait pour l'Ukraine a un impact sur d'autres pays qui progressent bien dans leurs réformes, comme la Moldavie", a déclaré Benjamin Haddad à Copenhague. "La Moldavie appartient à l'UE, sa voie européenne est irréversible, en particulier [face à] la pression et l'ingérence de la Russie".
Une conversation "difficile"
Malgré la pression politique croissante exercée par l'ensemble des pays de l'Union, la Hongrie n'a pas cédé et n'a pas laissé entendre qu'elle pourrait le faire prochainement.
Ce refus a laissé la Moldavie prise entre deux feux politiques. Le pays souhaite progresser sur la voie de l'adhésion à l'Union européenne, mais se méfie des conséquences d'un éventuel abandon de son voisin ukrainien.
Cristina Gherasimov, vice-Premier ministre moldave chargée de l'Intégration européenne et invitée à la réunion de mardi, dit attendre "avec impatience une solution à la fois pour la Moldavie et pour l'Ukraine".
"Il est important pour nous, pour notre sécurité, pour notre propre voie d'adhésion, qu'en tant que région, nous soyons stables et sûrs, et pour cela, nous avons besoin d'une Ukraine stable et sûre", estime-t-elle.
Les États membres craignent qu'un découplage des candidatures de la Moldavie et de l'Ukraine ne légitime le veto de la Hongrie et n'affaiblisse le message d'unité et de soutien que l'UE tente de faire passer lors des négociations de paix en Ukraine.
Pour Kyiv, il en va de l'unité de l'Europe
Début août, juste avant de rencontrer Donald Trump à Washington, le président ukrainien Volodymyr Zelensky lui-même a lancé une mise en garde contre le découplage.
"Il ne peut y avoir de division entre l'Ukraine et la Moldavie", affirme-t-il. "Si une telle division a lieu, cela signifiera automatiquement que l'Europe est divisée sur l'Ukraine, que l'Europe n'a pas de position commune sur les garanties [de sécurité]".
"Une Europe unie est une réponse claire à la Russie, à la Chine et aux États-Unis", a également déclaré l'Allemand Gunther Krichbaum, qui soutient le couplage.
Adoptant une position plus ambivalente, le Polonais Ignacy Niemczycki a souligné que, si la Moldavie n'avait pas officiellement demandé le découplage, Varsovie restait "ouverte à cette discussion le moment venu".
"Nous voulons vraiment envoyer des signaux positifs au peuple ukrainien, et non des signaux négatifs, c'est donc évidemment une situation difficile", reconnaît-il.
Un enjeu géopolitique entre "sociétés libres" et "régimes autoritaires"
À la fin de la réunion ministérielle, Marta Kos, la commissaire européenne chargée de l'Élargissement, a félicité l'Ukraine et la Moldavie d'avoir fait "leur travail" et a souligné l'urgence de débloquer la situation.
"L'élargissement de l'UE est devenu un enjeu géopolitique entre les sociétés libres et démocratiques d'un côté et les régimes autoritaires de l'autre. Et nous le voyons, bien sûr, de la manière la plus brutale en Ukraine", a-t-elle affirmé.
"Mais nous le voyons aussi de manière plus subtile et hybride dans d'autres pays candidats, comme la République de Moldavie. Nous constatons un engagement financier considérable de la part de la Russie pour éloigner la République de Moldavie de la voie européenne".
Marta Kos a cité un nouvel Eurobaromètre montrant que 56 % des citoyens de l'UE sont favorables à l'élargissement, 26 % n'y sont pas très favorables et 12 % y sont opposés.
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