États-Unis: pourquoi le Salvadorien Kilmar Abrego Garcia risque d’être expulsé vers l'Ouganda

Par Nadia Bouchenni avec agences


Le Salvadorien Kilmar Abrego Garcia, 30 ans, est devenu un symbole aux États-Unis depuis que l'administration Trump cherche à l'expulser coûte que coûte. Cet immigré vivant aux États-Unis depuis quinze ans, père de deux enfants, est désormais au cœur d'une affaire judiciaire improbable.

Le Salvadorien Kilmar Abrego Garcia, 30 ans, est devenu un symbole aux États-Unis depuis que l'administration Trump cherche à l'expulser coûte que coûte. Cet immigré vivant aux États-Unis depuis quinze ans, père de deux enfants, est désormais au cœur d'une affaire judiciaire improbable.
Le Salvadorien Kilmar Abrego Garcia s'est rendu ce lundi 25 août à une convocation dans un centre d’immigration de Baltimore (nord-est des États-Unis), sous peine d'être à nouveau expulsé du pays. Il a été immédiatement détenu dans ce centre de rétention. Une décision qui marque un nouvel épisode d'un cauchemar judiciaire vécu par cet immigré installé de longue date aux États-Unis et qui a fait de lui un symbole de la politique migratoire ultra-répressive de l'administration Trump.
Avant d'entrer dans ce centre ce lundi, il a fait une déclaration dans laquelle il parle de sa famille et de la force qu'elle lui donne, en s'adressant aux autres familles qui vivent ce genre de situations: "Avec notre communauté et notre famille à nos côtés, l'amour triomphera. Ne perdez jamais espoir, vous aussi vous reverrez votre famille". Il a ensuite conclu: “Promettez-moi de continuer à prier, à vous battre, à résister et à aimer. Pas seulement pour moi, mais pour tous. Continuez à exiger la liberté.”
Un choix entre le Costa Rica et l'Ouganda
Vivant au Maryland avec son épouse et ses enfants, il avait été arrêté et expulsé illégalement vers le Salvador en mars 2025. Contrainte par une décision de justice, l'administration Trump l'a rapatrié aux États-Unis en juin.
À son retour aux États-Unis, Kilmar Abrego Garcia n'est pas au bout de ses surprises. Immédiatement inculpé et incarcéré pour trafic de migrants, il plaide alors non coupable. Son procès est fixé au 27 janvier 2027 et un juge fédéral ordonne qu'il soit libéré le vendredi 22 août, dans l'attente de son procès.
"Aujourd'hui a été une journée très spéciale, car j'ai revu ma famille pour la première fois depuis plus de 160 jours (...) Nous avons fait un pas de plus vers la justice, mais celle-ci n'a pas encore été pleinement rendue", avait-il témoigné dans un communiqué relayée par une association de défense des immigrés.
Le jeudi, ses avocats avaient reçu une offre de la part de l'administration: son expulsion se fera au Costa Rica s'il reste en prison. Mais s'il préfère sortir en attendant son procès, l'expulsion se fera vers l'Ouganda. Le gouvernement avait informé Kilmar Abrego Garcia qu'il avait jusqu'à lundi matin pour accepter une demande d'expulsion vers le Costa Rica, faute de quoi cette offre serait abandonnée, selon ses avocats.
Le samedi 23 août, les avocats de Kilmar Abrego García avaient accusé le gouvernement Trump de tenter de le “contraindre” à plaider coupable dans son affaire pénale, en menaçant de l’envoyer “à l’autre bout du monde” en Ouganda, selon le New York Times. Après la sortie de prison de Kilmar Abrego Garcia vendredi, les services de l'Immigration et des Douanes (ICE) ont bien informé ses avocats qu'il serait donc expulsé vers l'Ouganda et qu'il devait se présenter aux autorités de l'immigration ce lundi.
Le pays d'Afrique a annoncé ce jeudi 21 août avoir conclu un accord avec Washington pour accueillir des "ressortissants de pays tiers qui pourraient ne pas obtenir l'asile aux États-Unis".
Un lien avec le MS-13, un gang salvadorien?
La secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, a déclaré que l'administration ne cesserait de se battre tant qu'il n'aurait pas quitté les États-Unis. Abigail Jackson, la porte-parole adjointe de la Maison Blanche, a insisté sur X sur le fait qu'il devrait "répondre de ses crimes" et a affirmé qu'il devrait porter un bracelet électronique "afin de garantir la sécurité du public américain jusqu'à ce que d'autres mesures puissent être prises".
Kilmar Abrego García a grandi au Salvador, pays qu'il a fui à ses 16 ans parce qu'un gang local extorquait et terrorisait sa famille, selon les autorités. Il s'est rendu dans le Maryland, où son frère, citoyen américain, vit. Mais il n'a pas été autorisé à y séjourner.
Il a ensuite trouvé du travail dans le bâtiment et a rencontré sa future épouse, Jennifer Vasquez Sura. En 2018, il a emménagé avec elle et leurs deux enfants. En 2019, Kilmar Abrego García est arrêté en se rendant dans un magasin de bricolage, pour chercher du travail comme ouvrier.
Un informateur aurait déclaré à la police qu'il était un membre du MS-13, un gang criminel international. La police ne l'a pourtant pas inculpé, et l'a remis aux services de l'immigration et des douanes des États-Unis (ICE). Kilmar Abrego García n'a aucun casier judiciaire, ni aux États-Unis ni au Salvador et a toujours nié toute affiliation avec le MS-13.
Un juge américain de l'immigration rejette alors sa demande d'asile, estimant que plus d'un an s'était écoulé depuis son arrivée, mais il lui a accordé une protection contre l'expulsion vers le Salvador, estimant qu'il avait une "crainte fondée" d'être persécuté par des gangs dans ce pays. Il a finalement été libéré et placé sous surveillance fédérale et a obtenu un permis de travail fédéral.
Un incroyable imbroglio judiciaire
En février 2025, tout bascule pour Kilmar Abrego García. L’administration Trump désigne le MS-13 comme organisation terroriste étrangère. En mars, elle l’expulse vers une prison de haute sécurité au Salvador, violant ainsi l'ordonnance du juge américain de l'immigration de 2019. Il affirme y avoir été battu et torturé psychologiquement.
Le gouvernement Trump a par la suite reconnu une "erreur administrative". Cependant Donald Trump et d’autres responsables ont réitéré leurs accusations selon lesquelles Kilmar Abrego García faisait partie du MS-13. La Cour suprême des États-Unis a ensuite ordonné à l'administration Trump de “faciliter” son retour.
Son accusation de trafic d’êtres humains fait suite à un contrôle routier pour excès de vitesse effectué en 2022. Kilmar Abrego Garcia conduisait un véhicule avec à son bord, neuf passagers. La police du Tennessee a soupçonné un trafic d'êtres humains, mais l'a laissé poursuivre sa route sans l'inculper.
C'est à son retour aux États-Unis que l'inculpation pour trafic d'êtres humains tombe, comme un couperet. Il a plaidé non coupable et ses avocats ont déposé une requête en non-lieu pour "poursuites vindicatives et sélectives".
En juin 2025, la magistrate américaine Barbara Holmes de Nashville statue que Kilmar Abrego Garcia avait le droit d’être libéré de prison en attendant son procès. Ses avocats craignant qu’il soit immédiatement expulsé, préfèrent alors le garder en prison pendant 11 semaines.
(Re)lire Ouganda: le gouvernement conclut un accord avec les États-Unis pour l'accueil de migrants
La juge fédérale, Paula Xinis interdit à l'ICE, fin juillet, de le détenir immédiatement s'il est libéré. Elle a également ordonné aux services d'immigration de fournir un préavis de trois jours ouvrables si elle entend engager une procédure d'expulsion.
L'administration Trump "n'a pas fait grand-chose pour garantir à la Cour qu'en l'absence d'intervention, les droits de Kilmar Abrego Garcia à une procédure régulière seraient protégés", a-t-elle déclaré. Kilmar Abrego Garcia et ses avocats attendent maintenant la décision des autorités américaines quant au lieu de son expulsion.
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